C’est une histoire vraie. Un garçon de mes connaissances, un de mes scouts, en fait, traînait la nuit avec une bande de gamins de la Porte de Montreuil à Paris, pas dangereux, mais certainement délinquants. Naturellement, ses parents n’en savaient rien.
Une nuit, au métro Télégraphe, il se fait attraper par la Police et emmener au poste. À quelques semaines près, il est encore mineur. On appelle ses parents, qui habitent à l’autre bout de la ville. À trois heures du matin, son père doit quitter l’appartement familial et traverser Paris désert pour chercher son fils au commissariat de Ménilmontant. Quand j’ai appris l’histoire, j’ai dit au père : « Vous deviez être furieux ! À trois heures du matin ! » Eh bien ! Il m’a répondu : « Pas du tout… En fait, j’étais très heureux dans ma voiture. J’allais chercher mon fils qui s’était mis en danger et je me sentais père, parce que les pères sont faits pour ça. »
Mon histoire vraie, c’est l’histoire de l’Évangile d’aujourd’hui. Quelles que soient les paraboles qu’emploie Jésus, et il y en a d’autres que les deux que nous venons d’entendre, elles signifient que le Père, parce qu’il est père, ne cesse pas de nous chercher, nous ses enfants, et qu’il trouve sa joie dans cette quête.
Je sais bien que nous nous inquiétons souvent de ne pas trouver Dieu ; nous disons : « Je suis en recherche », mais en réalité, c’est le contraire : c’est Dieu qui est « en recherche ». De nous. Dieu nous cherche, comme il le fait depuis le début, depuis qu’il appelait Adam dans le jardin. Et non seulement Dieu nous cherche, mais il nous cherche par amour, et c’est sa joie que de traverser la nuit, la nuit de la ville, la nuit de notre paresse ou de notre faiblesse, ou de notre aveuglement, pour venir nous prendre dans ses bras. C’est ce qu’a compris saint François de Sales, puisque nous sommes aujourd’hui dans l’église de son baptême et de son enfance, lorsqu’adolescent, il a découvert que la seule volonté de Dieu était une volonté d’amour. Que Dieu, qu’il craignait comme le garçon dont je parlais craignait son propre père, ne voulait que son bonheur. Que tout ce qu’il avait à faire, lui, François de Sales, était de faire confiance, parce que jamais, en aucun cas, le Père ne l’abandonnerait.
La voiture roule dans la nuit de Paris. Rue du Quatre Septembre, place de la République, rue de Belleville. Le père de mon histoire n’est jamais venu dans ces quartiers. Mais il est heureux. Il est heureux parce qu’il va chercher son fils. Chez lui, sa femme et ses deux autres fils dorment. Mais lui roule dans la nuit et approche d’un commissariat. Il a eu peur, il se demande ce qui se passe, quelle bêtise a fait son grand garçon, qu’il sait têtu et rebelle, mais dans cette inquiétude, il se sent père. Il n’a pas de colère. Il n’a que de l’amour à donner.
Dieu, notre Père, est comme ce père. Il cherche la brebis dans le désert, la pièce de monnaie dans les lattes du plancher, son fils dans la nuit ; il cherche chacun d’entre nous là où nous sommes, quoi que nous ayons fait, si loin de lui que nous nous sentions. Jamais il ne pourra nous abandonner. Tout à l’heure, nous dirons ensemble le « Notre Père ». Je voudrais que ces deux mots, quand nous les prononcerons, vous rappellent le père qui roule dans la nuit et qui sourit à son volant.
Références bibliques : Ex 32, 7-11.13-14 ; Ps 50 ; 1 Tm 1, 12-17 ; Lc 15, 1-32
Référence des chants : Liste des chants de la messe à Thorens-Glières 15-09-13