Des nations affolées, mourant de peur devant une nature qui se déchaîne, des malheurs survenant sur le monde… Notre temps est témoin, non seulement des tornades, des tsunamis, sans compter les sécheresses, les inondations, où l’homme porte sans doute une part de responsabilité, qui est plus évidente encore dans ces fléaux qui portent nom de misère, violence, guerre. Cette parole de Jésus ne vient-elle pas remettre une couche au lot quotidien des drames qui frappent l’humanité, d’autant que certains y lisent parfois scandaleusement des punitions divines. Jésus prend la mesure de ce qui abîme l’humanité à toutes les générations. Il en fait l’image du bouleversement que sa manière de penser d’être et de vivre provoque dans notre humanité et l’organisation de notre monde : une évolution qui passera par la révolution dans le cœur de l’homme et les structures du monde, le basculement du monde ancien pour la venue du monde nouveau. « Alors on verra le Fils de l’homme venir. »
Cette appellation « Fils de l’homme » est la seule que Jésus se soit laissé attribuer. Il se présente ainsi venant de Dieu, se solidarisant à notre humanité afin qu’elle progresse, qu’elle passe du chaos à l’harmonie et ainsi bonifie. Il nous invite à en découvrir la source, la finalité et le dynamisme en un Dieu qui voit que cela était bon. Jésus est venu pour que l’homme, loin de devenir un loup pour l’homme, un prédateur, un dominateur, un exploiteur, expérimente sa vraie grandeur en servant ses frères et ainsi le projet d’amour du Père. Il est venu pour que, par-delà tout ce qui nous fascine : « savoir, pouvoir, avoir », nous découvrions que Dieu nous aime, fait Alliance avec nous et nous invite dans la confiance à chercher, à inventer et bâtir avec lui l’avenir qu’Il nous donne. Ainsi, Dieu ne cesse d’accompagner l’humanité jusqu’à son achèvement, lui ouvrant la brèche de l’avenir en toute impasse, le sauvant, dirons-nous. Comprenons derrière ce mot « Sauver », un épanouissement plénier, une réussite profonde qui concerne tout l’homme et tous les hommes. Cette entreprise, Jésus l’appelle « Rédemption » et la traduit dans ces mots repris par l’évangéliste Jean : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie et l’aient en abondance. »
Face à la sinistrose, au fatalisme, à la résignation, Jésus nous invite à être des hommes debout, à nous lever, nous réveiller : ces mots qui dans l’Évangile disent la Résurrection. Nous le savons bien : il n’y a pas de victoire sans combat, sans investissement, sur tous les chantiers où se joue l’avenir de l’homme et du monde. Et nous mesurons que les changements structurels de vie en société supposent le changement profond de nos mentalités, la révolution en nous-mêmes. N’est-il pas vrai que le vieux monde de domination, d’exploitation habite partiellement notre cœur. Il nous faudra toujours nous faire violence à nous-mêmes. Le redressement du monde passe par le refus de nous refermer, de nous recroqueviller sur nous-mêmes, de nous résigner.
Dans l’épaisseur de nos existences et de l’histoire humaine, l’Avent nous donne d’être au rendez-vous de l’événement qui les habite et les transfigure : la Pâque du Christ s’accomplissant dans l’humanité. « Nous proclamons ta mort, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire », dirons-nous après le récit de l’institution eucharistique. Nous sommes dimanche, le Jour du Seigneur ! L’Esprit Saint nous constitue Église, laissant le Ressuscité signifier en notre rassemblement l’avenir qu’il ouvre pour l’homme et le monde. Réveillés par sa Parole, lui prêtant nos mentalités, nos intelligences, nos bras et jambes, notre vie, l’avenir peut prendre corps en nous, dans l’humanité. Nous en devenons le sacrement, le signe en nos vies personnelles et nos communautés d’Église.
Ne laissons pas l’homme et le monde s’enliser : comme nous y invite la finale de l’Évangile, échappons à l’enfermement du savoir, du pouvoir et de l’avoir sans amour. Saint Luc, dont nous venons d’accueillir l’Évangile met sur les lèvres de Marie, cette humble femme de Nazareth, celle qui a mis au monde Jésus, le chant qui célèbre le basculement du vieux monde et l’avènement du monde nouveau : « Il renverse les puissants de leur trône, élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides ». Comme elle, laissons prendre corps en nous l’Espérance nouvelle, laissons pousser dans l’arbre de l’humanité le germe de Justice. En regardant les branches des arbres, ne nous laissons pas impressionner de ce qu’elles perdent leurs feuilles jaunies, mais de ce que la sève qui les habite fera surgir les jeunes bourgeons au-delà de l’hiver.
Références bibliques : Jr 33, 14-16 ; Ps. 24 ; 1 Th 3, 12-4, 2 ; Lc 21, 25-28.34-36
Référence des chants :