Cet été, nous, l’équipe du Jour du Seigneur, avons proposé aux lecteurs de notre Bulletin, de nous adresser des témoignages ou des souvenirs de la Grande guerre, cette guerre qui a commencé il y a cent ans. Nous avons reçu de très nombreuses réponses et nous les avons reçues avec émotion.
Des lettres. Beaucoup de lettres. Écrites dans les tranchées ou sur la route, par les hommes, officiers, soldats, infirmiers, aumôniers, à leur famille, à leurs amis. Dans ce style clair et naïf que donnait souvent l’instruction primaire de la 3e République.
Des lettres remplies d’espoir. Alors que les obus et les bombes pleuvent, alors que la souffrance et la mort sont le quotidien d’hommes qui ne savent même pas s’ils vont survivre à l’attaque du lendemain, ces lettres disent l’espoir. L’espoir en Dieu, l’espoir en la vie éternelle. Et ces phrases nous arrivent du fond des tranchées comme le cri de Job dans son malheur : « Mais je sais, moi, que mon rédempteur est vivant ! Et quand bien même on m’arracherait la peau de ma chair, je verrai Dieu ! »
Et pour moi, qui n’ai pas connu de guerre, le plus émouvant sans doute était que ces phrases de foi et d’espérances écrites à une femme, à un fils, à un frère, sont aussi des phrases heureuses.
Oui, heureuses. Je sais bien qu’aujourd’hui, 2 novembre, à Péronne, de nombreux souvenirs nous inciteraient à la gravité ; le jour des Morts, la guerre, jusqu’à cette fresque, rare vestige du Péronne d’avant 1914, dont notre prix du patrimoine a encouragé la restauration et qui est la fresque de la « Bonne Mort ». À quoi le temps de novembre n’ajoute pas beaucoup de gaîté. Et pourtant.
Et pourtant, ces lignes d’encre pâlie disent une confiance heureuse. Elles disent ceci : « Je sais que Jésus veille sur vous que j’aime. Je sais qu’il ne nous abandonnera pas dans l’épreuve. Je sais que même si j’y reste, le Sauveur sera là pour moi et pour vous. Ne vous inquiétez pas. Si je ne vous revois pas ici, je vous reverrai au Ciel… »
Lorsqu’on est dans l’épreuve et qu’on écrit à ceux qu’on aime, on veut les rassurer. Mais ces lettres ne sont pas qu’apaisantes. Elles sont remplies de confiance en Dieu. Une confiance qui ne nie pas la mort, ni la peur, mais qui les traverse comme un rayon de lumière traverse la nuit. Elles disent la joie de retrouvailles au Ciel, la joie de la communion et de l’amour qui se poursuivent entre nous, les vivants et eux, les morts.
Telle est la signification de notre fresque de la « Bonne Mort », qui est, au vrai, une fresque de la foi en Dieu sauveur ; telle est la signification de ce que nous fêtons aujourd’hui dans cette église et avec vous, par la télévision ; la signification encore de ce que nous irons faire au cimetière en apportant des fleurs, vivantes, alors que tombent les feuilles, mortes : dire, à voix haute ou dans un murmure, peu importe, que nous espérons, que nous croyons, que la mort même n’est pas la fin. Que Dieu accueille nos morts dans sa vie.
Nous, les chrétiens, nous sommes, à l’image de ces soldats de la Grande guerre, joyeux, courageux et obstinés. Touchés, blessés quelquefois, mais jamais vaincus. Parce que du cœur de la nuit, de la pluie de novembre, nous élevons ce cri de foi et d’espoir, cet alléluia que rien, depuis que Dieu s’est révélé aux hommes, ne fera taire : je sais que mon Dieu est vivant et que, de mes yeux, je le verrai !
Références bibliques : Jb 19, 23-27a ; Ps. 4 ; 1Th 4, 13-14 et 17-18 ; Mc 3, 11-17
Référence des chants : Liste des chants de la messe à Péronne le 2 novembre 2014