Ils sont tous là, frères et sœurs, et confortablement installés sur leurs trônes : Tibère et Pilate, Hérode, Philippe et Lysanias, Anne et Caïphe… toutes les autorités politiques et religieuses qui gouvernent, d’une main de fer, ce petit coin d’empire perdu autour de Jérusalem. Mais vous l’avez entendu : ce n’est à aucun de ces puissants que la parole de Dieu a été adressée. C’est dans le désert, loin des buzz médiatiques et des lumières de la ville, qu’elle a saisi un homme : Jean, le fils de Zacharie.
Que lui a-t-elle dit ? Et bien nous ne le savons pas ! Nous voyons seulement qu’elle l’a poussé à quitter sa retraite et à parcourir la région du Jourdain pour proclamer quelque chose d’absolument nouveau : un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Peut-être les mots de conversion et de pénitence ont-ils disparu de votre vocabulaire, alors écoutez ce que ce baptême signifiait aux yeux des foules qui affluaient vers Jean pour le recevoir : une nouvelle naissance ! Il était le signe qu’un nouveau départ dans la vie était possible. Le temps était proche en effet où Dieu allait sortir de son silence. Il allait enfin intervenir dans l’histoire et pardonner les péchés de son peuple. La prédication de Jean donnait ainsi une actualité incroyable à cette vieille parole du prophète Isaïe : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route ! » Mais là où Isaïe avait en tête le retour des exilés à Jérusalem, Luc nous annonce que des choses plus grandes sont sur le point d’arriver : avec cet Autre mystérieux qui s’avance, c’est « tout homme » – oui, tout homme ! – qui désormais « verra le salut de Dieu ».
Si nous voulons maintenant que ce chemin soit tracé dans nos vies, si nous voulons également qu’il soit tracé au milieu de ce monde, alors il nous faut prendre au sérieux l’appel à la conversion que nous lance Jean ce matin. Bien sûr, les soucis du quotidien, la maladie, la peur, le découragement et tant d’autres obstacles viennent parfois brouiller l’horizon vers lequel nous marchons.
Qu’à cela ne tienne ! N’hésitons pas à nous interroger sur nos habitudes et la valeur de nos désirs, afin de « discerner » toujours mieux « ce qui est plus important ». Et dans ce domaine, il n’y a pas de petits progrès. Ne négligeons donc pas les victoires cachées derrière ces petites choses qui sont de notre ressort, ces sursauts de volonté qui expriment mieux que tout discours notre décision de remettre notre vie en ordre. Au fond, quels sont les ravins à combler, les montagnes à abaisser, les passages tortueux à redresser pour que la simplicité de Dieu et sa miséricorde puissent transformer nos manières de vivre et, à travers elles, nos environnements et nos relations ?
Depuis lundi, vous le savez, se tient non loin d’ici la 21e Conférence sur le climat. De nombreux chefs d’État se sont rassemblés pour définir une politique de lutte contre le réchauffement de la planète et appeler la communauté internationale à se mobiliser. Des engagements forts ont évidemment besoin d’être pris à l’échelle mondiale. Mais ceux-ci ne doivent pas nous faire oublier la part de responsabilité que chacun porte à l’égard de la « maison commune ». Et puis dans deux jours, le Pape ouvrira à Rome le Jubilé de la miséricorde pendant lequel il invite les chrétiens à une contemplation plus vive de ce mystère, afin qu’ils en deviennent partout où ils vivent les signes visibles et efficaces. La COP21 et cette Année sainte nous aideront-elles à concrétiser les sursauts de volonté auxquels l’Évangile d’aujourd’hui nous appelle ?
Rien en tout cas ne se fera sans l’engagement bienveillant de chacun, alors en avant ! Y a-t-il d’ailleurs mot d’ordre plus beau pour accompagner notre marche vers Noël ? De tout cœur, accueillons-le, et sans plus attendre… vivons-le ! Amen.
Références bibliques : Ba 5, 1-9 ; Ps. 125 ; Ph 1, 4-6 ; 8-11 ; Lc 3, 1-6
Référence des chants : Liste des chants de la messe à Paris du 6 décembre 2015