En ce jour d’Épiphanie, tout semble lumineux et joyeux. Dieu s’est révélé au monde entier, la lumière véritable s’est dévoilée.
Alors, comment ne pas être tristes quand les statistiques, nos amis, parfois les membres de nos familles, semblent manifester que l’Évangile n’est pas encore accueilli par toute l’humanité et que le Seigneur n’est pas connu par toute la terre ? Comment ne pas être blessés par cette indifférence devant Jésus ?
Pour rendre compte de cet écart qui fait mal, peut-être devons-nous nous interroger : les mages sont-ils véritablement rentrés dans leur pays, dans nos pays, pour nous raconter ce qu’ils ont vu et trouver les mots pour dire le bonheur qui émanait de la crèche ? L’Évangile nous dit qu’ils sont venus et ont adoré, puis qu’ils sont repartis par un autre chemin, avertis par un songe d’éviter Hérode le menteur. Mai sont-ils arrivés ?
Le chemin qui les amenait de leur pays vers Jésus est le chemin de notre vie croyante, celui que nous prenons chaque jour, avec plus ou moins de fermeté et d’audace, pour nous approcher du Christ. Chemin dont les balises sont l’Écriture, la prière et la vie sacramentaire en Église, mais aussi la compassion et le souci du pauvre et de l’humilié. Chemin exigeant pour lequel nous cherchons souvent des raccourcis, nous trouvant en fait dans des traverses et des impasses. Exigeant certes, mais nous avançons, nous aidant mutuellement pour ne pas nous fourvoyer trop longtemps, pour ne pas abandonner. Telle est la force de l’Église par tout l’univers, la force d’un soutien fraternel pour que la marche vers le Christ ne s’arrête avant son terme : la rencontre cœur à cœur. L’Église est notre étoile pour ce parcours.
Mais il y a le chemin de retour qu’il ne faut pas oublier. Si la route du retour conduit vers le pays de chacun, elle n’est pas un retour à la case départ. Non seulement le voyage a transformé les mages, mais bien plus encore, la rencontre avec l’enfant les a bouleversés. Ils ne sont plus les mêmes, et ne peuvent plus revenir à leurs routines et leurs idées toutes faites. Ils ne peuvent plus rester des sages énigmatiques enfermés dans un savoir ésotérique réservé à une élite ou des experts en faits religieux. Ils ne peuvent être que des prêcheurs : non pas des spécialistes des discours, mais ceux qui ne peuvent pas rester silencieux à cause de l’expérience qu’ils ont faite. Ils ne peuvent pas se taire et n’ont qu’un désir, celui de raconter ce que l’enfant a fait naître en leur cœur étonné. C’est cette route là qu’il nous faut peut-être prendre à notre tour, suivant à la trace ces mages.
Cette route du retour des mages est la route missionnaire, la route de la Bonne Nouvelle partagée. L’Épiphanie ne peut pas être gardée comme un secret enfermé dans les cassettes d’encens et de myrrhe, elle ne peut qu’être proclamée, chantée, célébrée. Elle doit être annoncée pour s’étendre à l’humanité tout entière. Et c’est à nous, non pas à des sages extraordinaires, mais à des croyants ordinaires, qu’est confiée cette mission. C’est nous qui sommes appelés à prendre la route qui va de la crèche à la rue, de Bethléem à la ville contemporaine, de l’Enfant-Jésus au cœur des hommes et des femmes, nos voisins, des rois mages aux écrasés de douleur et aux désespérés.
Cette route du retour n’est pas balisée. Elle est à deviner et à ouvrir par chacun de nous à partir de son existence. La foi au Christ de l’Épiphanie est missionnaire et c’est en acceptant joyeusement cette responsabilité missionnaire que nous pourrons, avec l’aide de l’Esprit Saint, réduire un peu l’écart entre le monde tel qu’il vit et la révélation de l’Épiphanie.
Les mages ne sont peut-être pas encore arrivés, ils sillonnent toujours le monde. Ne laissons pas passer leur caravane. Embarquons avec eux. Pas besoin de billet, il suffit d’un cœur qui a su voir dans l’enfant de la crèche la lumière du monde.
Références bibliques : Is 60, 1-6 ; Ps 71 ; Ep 3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
Référence des chants : Liste des chants de la messe du 5 janvier 2014 à Paris