Un évènement de la vie de Thérèse nous aide à accueillir les Saintes Écritures ce matin. Au lendemain de la Pentecôte 1895, notre carmélite est habitée, inspirée ! Une immense générosité l’habite. Elle a un grand désir de se donner. Elle veut s’offrir à l’Amour. Soif d’aimer. Soif d’être aimée. Le mardi, elle se met à écrire. Un long texte. Une sorte de prière. Ou plutôt, un pacte avec Dieu, c’est-à-dire une consécration. Elle l’intitule : « Acte d’offrande de moi-même comme victime d’holocauste à l’Amour miséricordieux du Bon Dieu ».
Le dimanche suivant, fête de la très Sainte Trinité, elle veut s’offrir au cours de l’eucharistie. Auparavant, elle soumet le projet à sa prieure, en signe d’une dépossession d’elle-même. Elle s’approche de la prieure émue, rouge, elle transpire. La prieure lui donne son accord. Thérèse accomplit cette offrande d’amour. Dans les jours qui suivent, elle veut partager sa joie aux jeunes sœurs novices dont elle a la charge. Il s’en suit une sorte de contagion de générosité et de foi. De joie aussi !
A travers ses mots, nous percevons qu’un mouvement d’amour l’entraine : « Ô mon Dieu, je désire vous aimer et vous faire aimer … Puisque vous m’avez aimée jusqu’à me donner votre Fils unique pour être mon Sauveur et mon Époux, les trésors de ses mérites sont à moi, je vous les offre avec bonheur … Je sens en mon cœur des désirs immenses et c’est avec confiance que je vous demande de venir prendre possession de mon âme. » Rien que cela : prendre possession de mon âme ! Nous percevons le souffle ardent qui l’habite. C’est un écho de Jésus : « Demeurez en moi, comme moi en vous. »
Frères, certains objecteront : une telle démarche est trop intimiste, c’est « moi et mon Dieu ! » Erreur, dans cette relation d’alliance avec Dieu prennent place une foule de personnes qui existent dans le cœur de Thérèse : d’abord, elle est solidaire de tous les membres de l’Église, elle s’offre à Dieu pour ceux qui sont sur la terre, puis ceux qui se purifient au Purgatoire. Ensuite, sa sollicitude va vers ceux qui ont le cœur endurci : « Je voudrais vous consoler de l’ingratitude des méchants. »
Est-elle paisible pour autant ? Justement, par certains traits, nous percevons que sa confiance de fond n’est pas sans trouble. Pour nous, il est du plus grand intérêt de savoir que la plus grande sainte des temps modernes est elle-même confrontée à ces freins qui travaillent la conscience de chacun de nous : trouble intérieur, culpabilité ; et puis ce qui est de l’ordre du soupçon porté sur moi-même, ou sur Dieu lui-même.
Quel est ce trouble dans la relation à Dieu le Père ? Comme si Thérèse éprouvait une gêne face au Père Éternel, elle exprime sa préférence pour le contact avec le Fils : « Mon Dieu, je vous supplie de ne me regarder qu’à travers la face de Jésus et dans son cœur brulant d’Amour. » Dieu le Fils est vraiment médiateur entre Dieu le Père et Thérèse. Un bel enseignement qu’elle nous donne !
Ensuite, comment le trouble se porte-t-il sur elle-même ? Eh bien elle se défie d’elle-même. Livrée à sa propre liberté, elle craint son infidélité : « Je vous supplie de m’ôter la liberté de vous déplaire. » Voilà qui nous fait réfléchir, nous qui sommes si avides de notre liberté personnelle… de maitriser notre liberté ! Thérèse, au contraire, elle remet sa liberté à Dieu, en toute confiance ! Elle ajoute avec une vraie confiance dans le regard de Dieu, regard tendre et miséricordieux : « Si par faiblesse, je tombe quelquefois, qu’aussitôt votre divin regard purifie mon âme consumant toutes mes imperfections, comme le feu qui transforme toute chose en lui-même. »
Enfin, le trouble vient aussi d’une conscience de son péché personnel. Depuis 8 ans qu’elle est carmélite, elle a tout mis en œuvre pour la sainteté. Son expérience, c’est qu’elle n’y parvient pas par elle-même. Seul Dieu peut l’en revêtir. C’est pourquoi, avec beaucoup de confiance elle affirme : « Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre propre justice et recevoir de votre amour la possession éternelle de vous-même. »
Par son enseignement, Thérèse nous éclaire puissamment sur une affirmation des Saintes Écritures ce matin. Dans la 1ère épître, saint Jean sait bien que les chrétiens sont confrontés au trouble intérieur et à la culpabilité. Il affirme : « Si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît toutes choses. » (1Jn 3, 19) Peut-on trouver la paix quand notre cœur nous accuse ? Oui, car Dieu est plus grand que notre cœur et « devant Dieu, nous apaiserons notre cœur ». Amen !
Références bibliques : Ac 9, 26-31 ; Ps. 21 ; 1 Jn 3, 18-24 ; Jn 15, 1-8
Référence des chants : Liste des chants de la messe ND des Victoires à Paris le 3 mai 2015