Frères et sœurs, l’Évangile que nous venons d’écouter confirme le récit que nous avons entendu au début de cette célébration : Jésus est un homme doux qui se laisse faire. Dans son procès, on raconte sur lui toutes sortes de mensonges, mais il ne se défend pas ; on le promène de Pilate à Hérode et d’Hérode à Pilate, et il ne dit rien ; on le frappe, on l’injurie et lui n’a que des paroles de bonté : pour les femmes qui le pleurent… pour le bon larron… Alors, ce n’est pas étonnant que, pour entrer à Jérusalem, aujourd’hui, en ce dimanche des Rameaux, Jésus ait choisi un âne, un petit âne.
Nous l’avons entendu dans l’Écriture : Au moment où les disciples détachaient l’animal, ses maîtres ont demandé : « Pourquoi détachez-vous cet âne ? » et les disciples ont répondu : « Le Seigneur en a besoin. » Mais pourquoi donc le Seigneur a-t-il besoin d’un âne ? Il en a besoin pour montrer la douceur et la patience de son cœur.
Si Jésus avait été un roi puissant, qui comptait sur sa force pour recevoir le triomphe dans la ville de Jérusalem, il aurait revêtu une armure et enfourché une monture de guerre. Mais ce n’est pas de cette manière-là qu’il veut entrer dans notre vie. Nous, avec nos idées de puissance, de richesses et de grandeur, nous aurions pris un cheval, mais lui, Jésus, il a choisi un âne, un petit âne. « Qui se ressemble s’assemble… »
Car Jésus veut entrer chez nous de la façon la plus humble qui soit. Et s’il ne veut pas faire le fier, c’est pour nous rejoindre là où nous sommes. C’est vrai qu’un âne, ce n’est pas très malin. Quand on dit d’un enfant qu’il mériterait un bonnet d’âne, ce n’est pas très flatteur pour cet enfant-là. Pourtant, c’est l’âne que Jésus a choisi pour nous rejoindre. « Le Seigneur en a besoin. » Car il ne veut pas nous prendre par en haut, du haut d’un prestigieux cheval ; il veut nous accueillir par en bas, avec l’humilité de son âne.
Mes amies du Beau-Vallon, Gisèle, Christiane, Vivi, Sidonie, vous aussi, quelquefois, vous sentez que vous n’êtes pas grand-chose aux yeux du monde. Bien sûr, ici, il y a les médecins et les infirmières et aussi, pour les plus entourées d’entre vous, les visites de la famille, mais sinon, il n’y a pas grand monde qui s’intéresse à vous ; on vous néglige, on vous oublie. Pourtant, il y en a un qui ne vous oublie pas : c’est Jésus, il vient avec sa patience et sa douceur. Quand vous vous sentez tristes et que vous avez envie de pleurer, ou que vous devinez que vous allez faire une crise, vous savez bien que vous pouvez laisser venir Jésus ; il entre à Jérusalem et il vient doucement vous consoler. Nous l’avons entendu dans la lecture du prophète Isaïe : « Dieu, mon Seigneur, m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire, pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n’en peut plus. »
Mes amies, aux yeux du monde, vous ne comptez pas beaucoup mais, aux yeux de Jésus, c’est vous qui êtes les plus importantes. Vous avez peut-être « perdu la tête », comme on dit, mais vous n’avez pas perdu le cœur et vous savez reconnaître les personnes qui vous aiment. Vous savez reconnaître la douceur de Jésus et la douceur de l’âne.
Vous êtes bien placées pour savoir que, dans notre monde, les choses ne vont pas toujours juste. Ici, en Belgique, on a l’air de dire que la maladie mentale est la pire des choses qui puisse arriver. Il y a même des gens qui disent qu’ils préféreraient qu’on les tue, si jamais ils devaient en arriver là. Ils souhaiteraient même que la loi autorise ce geste de mort. Mais dans quelle société allons-nous vivre si nous cédons ainsi à nos craintes ? C’est vrai que la maladie mentale fait peur, car en perdant la maîtrise de nous-mêmes, nous croyons que nous avons tout perdu, mais est-ce si sûr ?
En tout cas, les cent ans du Beau-Vallon sont là pour nous prouver le contraire. Les Sœurs de la Charité qui ont commencé cette institution et l’équipe des laïcs qui a pris leur relais nous rappellent, jour après jour, que la beauté d’un être humain ne se trouve pas d’abord dans sa tête, mais dans son cœur. La merveille humaine ne se révèle pas dans la puissance ; elle se cache dans la douceur, dans la tendresse, comme disait mardi dernier notre pape François. Frères et sœurs, ce qui nous touche, aujourd’hui, en ce dimanche des Rameaux, ici au Beau-Vallon, ce n’est pas le prestige du cheval, mais l’humilité de l’âne. Car le cheval ne porte que la fierté, mais l’âne porte l’amour.
Références bibliques : Is 50, 4-7 ; Ps 21 ; Ph 2, 6-11 ; Lc 22, 14-23, 56
Référence des chants :