« Jésus parlait à ses disciples de sa venue. » C’est le sens du mot « Avent » : arrivée, venue de Jésus. Nous voilà donc invités à tourner nos regards vers Noël, où nous célèbrerons la venue de Dieu en notre humanité.
Dans un monde qui tourne souvent en rond, ce temps de l’Avent nous dit qu’il y a quelque chose à attendre, qu’il y a quelqu’un à désirer. Et la fête de Noël nous propose Dieu, comme celui qui vient combler notre attente, sous les traits de l’enfant nouveau-né de Bethléem.
Mais qu’est-ce que célébrer Noël, si nous en restons à la crèche, aux repas de réveillon et aux déferlements de lumières dans nos villes ? La venue du Christ, sœurs et frères, c’est dans le quotidien de chaque jour que cela a du sens, quand il vient naître en notre vie à chacun. Toute naissance est déchirure.
« Déchire les cieux, crie le vieux prophète Isaïe, descends, ne reste pas loin, Dieu du ciel, touche-moi, façonne-moi, sauve-moi ! » Oui, toute naissance est déchirure. Alors, qu’est-ce qui va, aujourd’hui, dans notre vie, déchirer les cieux ? Exploser les murs de nos prisons ? Renverser les barrières de nos peurs ? Aracher le voile de nos jugements et de nos condamnations sans appel ? Briser le miroir de nos égoïsmes ? Déchainer notre indignation ? Ouvrir nos yeux ? Dilater l’étroitesse de nos rêves et de nos audaces ?
Le ciel se déchire, le Seigneur vient. « Veillez ! » dit Jésus. Veiller, c’est prendre le temps de la prière, comme les moniales et les moines qui veillent dans la nuit. Veiller, c’est aussi s’engager, pour déjouer dans ce monde tout ce qui l’asservit et l’assombrit. Veiller, c’est surtout être attentif aux autres et d’abord aux plus fragiles, et à ceux et celles que nos sociétés malmènent le plus. Oui, la rencontre des autres, le souci de celui qui est proche et le souci de celui qui est loin, voilà qui doit nous tenir en éveil, nuit et jour.
Pauline Jaricot avait bien compris cela. On est à Lyon, au 19e siècle, en plein développement industriel, beaucoup vivent de salaires misérables. Pour Pauline Jaricot, la vie est facile jusqu’au jour où tout change dans son existence : le ciel se déchire, elle cesse de s’occuper d’elle pour s’occuper des autres ; des pauvres de son quartier, des prostituées, de tous ceux et celles à qui elle veut rendre leur dignité d’homme et de femme. C’est sa manière à elle de veiller. Elle se donne à fond, socialement, spirituellement. Elle invite à se rassembler par petites maisonnées pour prier le Rosaire ; elle s’emploie à faire connaître le Christ, à le faire aimer et jusqu’au bout du monde. Humble et pauvre, elle mourra dans un dénuement semblable à celui de l’enfant de la crèche ; le dénuement de l’homme de la croix.
« Jésus parlait à ses disciples de sa venue », dit l’évangile que nous venons d’entendre. Quand Jésus parle de sa venue, c’est à la veille de sa passion et de sa mort sur la croix, à Jérusalem. Sa venue, c’est son entrée dans la gloire de la résurrection, ce matin de Pâques qui ouvre l’avenir de l’humanité, ce matin de notre mort, ce matin de notre vie, qui sera pour chacun de nous le moment de la rencontre avec Dieu.
Sœurs et frères, quand le temps de l’Avent nous invite à nous tourner vers Noël, c’est aussi vers ce moment de la rencontre de Dieu, au terme de notre vie, qu’il nous invite à tourner nos regards et à enraciner notre espérance. En attendant ce jour, vivons en creusant aujourd’hui notre désir de Dieu ; veillons sans relâche, en vivant aujourd’hui dans l’amour des autres.
Le premier veilleur, c’est Dieu. Comme une mère. Comme le père, vous vous souvenez, sur le seuil de sa maison. Il scrute l’horizon et il attend. Qui attend-il ? Un fugueur ? Un prodigue ? Un voleur d’héritage ? Non, il attend un fils, un fils qu’il aime à la folie.
Ma sœur, mon frère, c’est toi que Dieu veille, c’est toi que Dieu attend. Amen.
Références bibliques : Is 63, 16b-17.19b ; 64, 2b-7 ; Ps 79 ; 1 Co 1, 3-9 ; Mc 13, 33-37
Référence des chants :