Marqués par la lèpre de nos péchés mais passés du régime de la Loi au régime de la miséricorde, nous avons libre accès au Christ et nous disons avec les lépreux de lâévangile : "Seigneur aie pitié de nous".
Frères et SÅurs,
Il est vrai que lâancienne alliance prépare la voie à la nouvelle. Et la Loi de Moïse a balisé le terrain pour lâÉvangile de Jésus. Tout ce que la Loi commandait et que les prophètes ont enseigné jusquâau jour où est venu Jean le Baptiste, qui pointe son doigt sur le Messie, tout cela fut une annonce de Jésus. Mais quelle différence tout de même entre cette loi ancienne et la loi nouvelle de lâÉvangile ! Quel pas de géant de lâalliance ancienne à la Bonne Nouvelle de lâÉvangile.
En effet voici ce que la loi de Moïse prescrit concernant les lépreux : elle les met à distance, les met en quarantaine pour toute la durée de leur maladie. Le Lévitique ne prend pas moins de deux longs chapitres pour détailler tout ce quâil faut faire pour éloigner le pauvre lépreux du monde habité et de la vie sociale. Il est déclaré socialement mort. Et les dix lépreux de lâÉvangile observent dâailleurs minutieusement ces prescriptions de la Loi. Ils sâarrêtent à distance, dit saint Luc, et crient : « Maître, aie pitié de nous. » Mais Jésus se rapproche dâeux pour les entendre et Il leur adresse la parole. Il les écoute. Il ne les guérit pas à lâinstant. Il les invite même à sâen tenir à la Loi : quâils aillent se montrer aux prêtres comme le Lévitique le leur avait prescrit en détail. Mais si la Loi les tient à distance, le Seigneur se fait proche. À un autre endroit de lâÉvangile, Il se fait encore plus proche : Jésus les touche même. Oui, la Loi reste à distance, mais lâamour se fait proche. Jésus fait comme le dit la parabole du bon Samaritain : Il les fait son prochain. Dâailleurs ici encore il y aurait un bon Samaritain, le seul qui va revenir pour remercier. Oui, il y a un grand pas à faire pour passer de lâordre ancien à lâordre nouveau. Tout a changé. Du moins du côté de Dieu.
Mais du côté des hommes, de notre côté ? Nous sommes restés les mêmes. Car que font les dix lépreux ? Dès quâils constatent leur guérison, ils ne regardent plus que le don qui leur a été fait : la purification de leur lèpre. Mais ils oublient le Donateur. : Jésus. Ils ne retournent plus auprès de Jésus, même pas pour se montrer. Ils restent bloqués sur le don en oubliant totalement le Donateur. Ils regardent le cadeau, mais ils oublient la main qui le leur a donné. Comme le petit enfant qui ayant reçu son cadeau ne fait plus que lâouvrir et le regarder en oubliant tout le reste. Il faut lui dire : « Et que dis-tu à papa et à maman ? »
Câest si souvent notre cas aussi à lâégard de Dieu : nous crions comme les lépreux : « Seigneur, ayez pitié de nous. » Mais dès que nous avons obtenu ce que nous avions demandé, nous oublions Celui qui nous a tout donné. Il y a plus : nous transformons ce qui est un cadeau immérité en une évidence presque comme si nous y avions droit. Le seul moyen de garder au cadeau son caractère de cadeau, câest de remercier, câest lâaction de grâce. Câest elle qui cultive et conserve en nous la conscience dâavoir tout reçu. Mais souvent nous omettons la prière dâaction de grâce, pour passer allègrement à une nouvelle demande, à un nouveau cri de lépreux : « Seigneur, aie pitié de nous. » Il y en a un seul qui revient pour dire merci : câétait un Samaritain. Il ne pense pas uniquement à lui-même et à sa guérison. Comme cet autre Samaritain de la parabole, il a le sens de la proximité. Il revient vers Jésus, tout joyeux de pouvoir à nouveau se rapprocher du monde habité et des hommes, ce que le Lévitique lui avait interdit pendant sans doute de longues années.
Le Samaritain est un étranger, presque un païen Ne serait-ce pas pour nous tous un avertissement que lâappréciation des dons de Dieu et le taux de gratitude parmi les enfants de la famille de lâÉglise, risque dâêtre plus souvent oublié que chez ceux et celles qui ne sont pas à proprement parler des brebis du bercail. Ce nâest pas impossible que nous, les enfants, nous qui sommes toujours dans la maison du Père, nous soyons plus oublieux des bienfaits que Dieu et lâÉglise nous donnent en abondance. Un peu comme le fils aîné dâune autre parabole qui, étant toujours dans la maison du Père, oublie que câest là le plus grand cadeau qui puisse y avoir.
Un sur dix qui se souvient du cadeau et de son Donateur. Et encore câétait un Samaritain. Est-ce là vraiment le pourcentage de ceux qui reçoivent et reviennent pour rendre grâce tandis que les quatre-vingt-dix pour cent dâautres oublient et se limitent à la prière de demande ? Est-ce que le Seigneur ne doit faire quâécouter nos demandes et fixer son regards sur nos besoins, sans jamais être lui-même lâobjet de notre prière ? À la longue : je gaspille mes miracles. Ils nâont pour fruit que les nouvelles demandes. Quand est-ce quâils sâarrêteront un moment de penser à eux-mêmes pour penser à moi ? Il y a aujourdâhui encore des Samaritains et des païens qui nous précéderont dans le Royaume des cieux.
Marqués par la lèpre du péché, nous nâavons pas tellement de gêne à nous présenter devant Jésus pour lui dire : « Seigneur, aie pitié de nous ! » Mais lorsquâil nous dit dâaller nous montrer aux prêtres de lâÉglise pour recevoir le sacrement de la réconciliation, nous trouvons moins facilement le chemin. Nous en sommes beaucoup moins reconnaissants. Et nous ne revenons pas pour remercier le Seigneur. Sauf le Samaritain, celui qui sâest converti et qui a découvert le bonheur de ce sacrement de réconciliation. Serait-ce bien un sur dix ?
Références bibliques :
Référence des chants :