« Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix. » C’est avec cette antique bénédiction biblique que nous entrons dans la nouvelle année, sûrs que le Seigneur veillera sur nous, lui qui ne cesse de porter les yeux sur « le pauvre et l’humilié », comme dit le prophète Isaïe. Oui, à l’aube de cette nouvelle année, le regard du Seigneur se tourne vers les humbles et les petits et vers tous ceux qui sont prêts à écouter la Parole de l’Évangile et à la mettre en pratique.
Les bergers de Bethléem sont pour nous un bel exemple de la manière de commencer la nouvelle année. Ils étaient à l’écart de la religion officielle. C’est sur eux que s’est posé le regard du Seigneur. Leur nuit s’est remplie de lumière, leur vie a trouvé un sens et leurs pas une direction. Ces humbles bergers sont devenus « les premiers chrétiens ». Ils ont écouté les paroles de l’ange. Ils sont allés là où il leur était demandé d’aller, et ils ont vu l’enfant emmailloté et couché dans une mangeoire. Et, magnifique conclusion de cette démarche : « Après l’avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. » On pourrait dire que l’année d’un chrétien est contenue toute entière dans cette scène. Celle-ci nous est rapportée au commencement de cette nouvelle année pour illuminer nos pas chaque jour.
Quand les bergers arrivèrent à la grotte, on peut penser que Marie aussi leur parla de l’enfant et sans elle ils n’auraient probablement pas pu comprendre le mystère qu’ils avaient sous les yeux. Marie, elle, savait déjà et c’est elle, la Mère, que la liturgie nous invite à regarder aujourd’hui, sept jours après que notre regard se soit posé sur tous les petits et fragiles de ce monde. Mais Marie n’est pas seule sous nos yeux. Elle tient dans ses bras Jésus pour la présenter aux bergers, à l’humble cohorte des disciples de tous les temps, à nous aujourd’hui. Cette image de Marie qui tient Jésus dans ses bras est une des représentations les plus familières du mystère de l’incarnation, en particulier dans la tradition de l’Orient. En Orient, il n’y a jamais une image de Marie sans Jésus, car sans Jésus il n’y aurait pas Marie. Elle existe par ce fils et sa mission est de lui donner naissance et de le montrer au monde. Cette icône de Marie, Mère de Jésus, c’est aussi l’icône de l’Église, c’est l’icône de tout chrétien, appelé à porter dans ses bras, avec amour, le Seigneur et à le montrer au monde.
Ainsi, à la manière des bergers qui une fois sortis de la grotte s’en sont allés en glorifiant et louant Dieu, les chrétiens laissant derrière eux une année de vie, doivent entrer dans l’année nouvelle avec le même enthousiasme et le même élan en tenant Jésus dans les bras pour le montrer au monde. Comme ce serait bien si on pouvait dire de nous chrétiens ce que l’évangéliste a dit à propos des bergers : « Et tout le monde s’étonnait de ce qu’ils racontaient. » Mais peut-être manque-t-on de « bergers » qui savent communiquer aux hommes et aux femmes de ce temps la joie de la rencontre de cet enfant.
Il ne faut pas que nous ayons peur et que nous donnions raison au pessimisme ambiant. Nous sommes appelés à communiquer le mystère que nous célébrons en ce temps de Noël et qui a changé le cours de l’histoire. Ce qui a changé, l’apôtre Paul le rappelle dans sa lettre aux Galates : « Dieu a envoyé son Fils. Il est né d’une femme. Il a été sous la domination de la loi de Moïse pour racheter ceux qui étaient sous la domination de la loi et pour faire de nous des fils. » Dans la maternité virginale de Marie, nous devenons des fils de Dieu, libérés de l’esclavage de nous-mêmes afin d’écouter et de servir le Seigneur, comme l’ont fait Marie, Joseph et les bergers. Au commencement de cette année redécouvrons la beauté et la joie de pouvoir dire à Dieu : « Abba ! Père ! », et invoquons le pour qu’il nous comble de sa bénédiction et nous donne la paix.
C’est une tradition bien ancrée depuis le 1er janvier 1968, que le premier jour de l’année l’Église se réunisse en prière pour demander la paix. La situation du monde a changé depuis le temps où le pape Paul VI lançait cette tradition. Mais le contexte d’aujourd’hui n’est pas moins dramatique et chargé de violence (Égypte, Syrie et tant d’autres pays). Il est nécessaire et urgent que les hommes abandonnent les armes et ouvrent immédiatement un chemin de paix à travers la rencontre et le dialogue. Il ne s’agit pas seulement de poser quelques gestes de bonne volonté, mais de mettre en œuvre un processus qui englobe tous les aspects de la vie de l’homme et fraie des chemins durables de justice et de pardon.
Nous savons cependant que la paix, même si elle requiert un engagement résolu de l’homme, est un fruit de l’esprit d’amour qui opère dans le cœur des hommes. Que vienne donc l’esprit du Seigneur pour briser la dureté des cœurs, pour transformer nos villes et nos pays, détruire la haine, l’envie, la volonté de dominer et y faire grandir la solidarité, pour tuer l’individualisme et accroître le sens du bien commun, pour développer dans l’intelligence et le cœur des jeunes, dont parle le message de Benoît XVI ce 1er janvier, le sens de la justice et la disponibilité à être les nouveaux artisans d’un monde de paix. Bonne année à tous et à chacun.
Références bibliques : Nb 6, 22-27 ; Ps. 66 ; Ga 4, 4-7 ; Lc 2, 16-21
Référence des chants :