« De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé »
Frères et soeurs,
Dans ce dialogue avec Nicodème que nous venons d’entendre, Jésus nous propose une bien curieuse image.
Elle fait allusion à la marche au désert, alors que le peuple des hébreux était attaqué par des serpents. Dieu donna alors ce remède à Moïse : celui de mettre un serpent de bronze sur un bâton, pour que quiconque le regarde soit guéri.
Un serpent enroulé autour d’un mât : voilà le sigle de nombreuses organisations médicales et un bien curieux symbole !
Car pourquoi le serpent —source du mal— deviendrait-il symbole de guérison ? Comme si le venin était salutaire? Ou, pire encore, le mal nécessaire ?
En réalité, ce serpent élevé est avant tout la préfiguration de la victoire de la croix, c’est à dire de notre humanité blessée que le Christ vient relever par son amour. Le serpent élevé apportant la guérison, c’est donc l’image de nos peurs lorsqu’elles sont dépassées dans la confiance ; ce sont nos faiblesses, lorsqu’elles retrouvent des forces dans un regard plein de tendresse. Le serpent élevé, c’est finalement la mort vaincue, préfiguration de la résurrection, qui nous montre qu’un chemin d’épanouissement est toujours possible.
Voilà cette nouvelle naissance que Nicodème, vous et moi, sommes invités à vivre dès aujourd’hui, dans les petits événements qui jalonnent notre quotidien, dans la nuit et le secret de nos histoires.
Chaque instant, nous avons en effet à renaître, à redécouvrir le mystère de la vie, à nous mettre en recherche. Pour renaître, il faut d’abord faire le deuil de ce que nous ne sommes plus, de nos rêves déçus,
pour accueillir ce que nous sommes réellement.
Renaître, ce n’est pas dissimuler ses serpents, masquer ses faiblesses ou fuir la réalité, mais faire le douloureux travail de l’enfantement de l’humain. Naître d’en haut, c’est traverser l’en-bas, découvrir que nous sommes portés par la bonté d’un Dieu qui a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils. Renaître, c’est aussi et surtout ne pas être dans le contrôle, mais s’ouvrir à l’imprévu, sans le regarder comme une fatalité. Renaître, c’est quitter la nostalgie d’un passé ou d’une histoire dépassée, pour s’ouvrir à ce qui se présente avec confiance.
Ceux qui prennent ce risque de renaître savent prendre de la hauteur dans leurs vies et y mettre un peu d’humour et de joie. Ils ne s’accrochent pas à leur ego, mais ils ont l’audace de découvrir un sens toujours renouvelé à leur vie. Quand tout semble fermé, ils osent croire en un horizon, et y discernent de la hauteur et de la profondeur.
Pour celles et ceux qui acceptent de renaître chaque jour, et de faire mourir en eux le serpent de la convoitise, la vérité et la lumière seront toujours devant eux ! Nicodème vient d’ailleurs d’une racine hébraïque signifiant orient, c’est à-dire « là où la lumière commence à poindre », à renaître…
Certes, bien de nos contemporains diront qu’il y a de la naïveté derrière cette confiance. C’est pourtant le seul moyen que l’humain dispose pour enfanter patiemment un monde nouveau. Vivre, envers et contre tout. Ne pas fuir le réel ou le déprécier, mais s’ouvrir chaque jour à un amour toujours plus grand, à une vie qui nous dépasse.
C’est cela renaître d’en haut : avoir le courage d’être soi-même devant les autres et couper le cordon d’un Dieu maternant et protecteur pour le redécouvrir
dans une présence bienveillante,
dans l’inattendu de nos rencontres,
dans l’en-bas de notre humanité,
dans ce à quoi la vie nous appelle réellement.
Renaître chaque jour : voilà le difficile chemin de résilience et de résurrection que nous propose l’Evangile.
Alors, quel que soit notre âge ou notre expérience, il ne s’agit pas de fuir nos croix et nos serpents qui nous étouffent, mais tout au contraire, de regarder avec lucidité ce que nous sommes, afin de vivre de nouvelles naissances, et regarder le monde avec confiance, avec les yeux de Celui qui a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. Amen.
Références bibliques : 2 Ch 36, 14-16.19-23 ; Ps. 136 ; Ep 2, 4-10 ; Jn 3, 14-21
Référence des chants :