Le signe du pain partagé… Voilà le récit que l’évangile de Matthieu nous fait entendre. Et pas seulement Matthieu, puisque les quatre évangiles le rapportent. C’est dire son importance pour la foi des communautés chrétiennes ! Cet épisode a valeur de mise à l’épreuve. C’est une provocation qui peut entraîner incompréhension et rejet… alors qu’il veut susciter notre adhésion : « Donnez-leur vous-mêmes à manger !»
J’ai trouvé trois portes d’entrée, frères et sœurs, amis téléspectateurs. Trois portes d’entrée pour nous aider à saisir l’enjeu de ce récit : les foules, Jésus et les disciples.
Les foules : elles sont là, présentes. Avant de multiplier les pains, Jésus multiplie les foules. Dès qu’elles apprennent que Jésus part en barque pour un endroit désert, elles quittent leurs villes et suivent à pied. Ce récit ne nous dit pas que ces foules ont faim, mais qu’il se fait tard et que l’endroit est désert.
Comment ne pas penser à toutes celles et ceux pour qui la vie aujourd’hui ressemble à un désert où l’on se sent seul ?
Comment, dans ces situations limites, ne pas être tenaillé par la faim ?
Faim de nourriture là où la sécheresse fait des ravages comme en Somalie, en Éthiopie ou au Kenya… mais aussi faim de dignité, de liberté, de paix ; l’humanité a faim de sens, tout simplement, et de confiance ! Qui peut offrir aujourd’hui ces lieux d’accueil, de partage et de foi ? En cette période d’été, nos grands pardons de Bretagne et beaucoup de festivals, rassemblent des foules avides de fête et de vie. Réjouissons-nous de ces multiples initiatives : elles favorisent les rencontres et permettent à beaucoup de sortir de l’isolement.
Jésus, quand on vient vers lui, il se fait proche ; il est saisi de pitié, littéralement « pris aux tripes » ; il donne et il se donne ; il ne se laisse pas vaincre par la peur de se sentir impuissant ; il laisse parler son cœur ; d’une foule informe, il fait une communauté de table.
Le geste de Jésus à la multiplication des pains annonce ce qu’il accomplira plus tard, le soir du jeudi saint, lorsqu’il dira à ses apôtres au moment de l’institution de l’Eucharistie : « Vous ferez cela en mémoire de moi. »
À son œuvre de salut, Jésus veut encore associer ses disciples : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. »
Nous voilà, nous aussi, renvoyés à nos propres responsabilités ! Par ses interventions concrètes en faveur des gens qui viennent à lui, Jésus nous indique une voie à suivre : celle du souci des autres et du don de soi. Il nous invite à lutter contre la pente du « chacun pour soi ».
Les disciples, spontanément, ils sont sur la défensive ; ils feraient volontiers l’impasse sur le problème : « Renvoie donc la foule, qu’ils aillent dans les villages s’acheter à manger ! » Autrement dit : « Qu’ils se débrouillent ! » Réaction tellement courante lorsque nous sommes sollicités, lorsque nos projets et notre confort sont un tant soit peu mis à mal ! Combien de fois voudrions-nous renvoyer, nous aussi, celles et ceux qui nous sollicitent ? Nous n’avons ni le temps de les accueillir, ni l’envie de les écouter… nous nous sentons tellement incompétents.
Jésus, par ce miracle des pains, veut rendre ses disciples participants à l’annonce et à la venue de son Royaume. Aujourd’hui, il compte sur nous, même si nous n’avons que « cinq pains et deux poissons ». Il veut se servir du peu que nous pouvons apporter pour nous associer à sa mission.
Que l’Eucharistie soit notre nourriture et notre force !
Frères et sœurs, qu’elle nous fasse relever jour après jour le beau défi d’être fidèle : à la fois fidèles au service de Dieu et fidèles au service de nos frères.
Amen !
Références bibliques : Is 55, 1-3 ; Ps. 144 ; Rm 8, 35.37-39 ; Mt 14, 13-21
Référence des chants :