« Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants… »
Frères et sœurs, chers amis, cette parole forte du livre de la Sagesse risquerait pourtant de résonner dans le vide, si elle n’était accompagnée d’un signe concret de l’engagement de Dieu contre tout ce qui peut blesser l’homme ou le défigurer. Or ce signe, nous le trouvons ce matin dans les deux miracles que Jésus réalise au bord du lac de Galilée. Ces miracles manifestent non pas tant son pouvoir de transformer d’un coup toutes les situations douloureuses, que la tendresse infinie de Dieu qui agit à travers lui. Et c’est pour cela précisément qu’ils font appel à la foi.
Cette foi, vous l’avez entendu, c’est d’abord celle de Jaïre, le chef de la synagogue. Sa détresse est telle qu’il n’hésite pas à se prosterner aux pieds de Jésus et à le supplier publiquement de guérir sa petite fille qui est mourante. « De grâce, implore-t-il, viens lui imposer les mains… » Mais c’est aussi la foi de cette femme anonyme qui souffre d’hémorragies depuis douze années et qu’aucun médecin n’a pu soigner. Enfreignant les règles de la pureté légale qui la tiennent à l’écart, elle joue des coudes, et se faufile discrètement à travers la foule pour atteindre Jésus et toucher son vêtement. L’audace va donc bon train lorsque l’aspiration à la vie, à sa propre vie ou à la vie des autres, est plus forte que tout !
Bien sûr, m’objecterez-vous, Jaïre et la femme hémorroïsse sont au début du récit dans une attitude quasi superstitieuse et leur démarche est plus qu’intéressée. Mais peu importe à vrai dire, car nous les découvrons l’un et l’autre animés par une espérance folle : ils croient en l’avenir et ils veulent s’y risquer ! Et c’est pourquoi ils se tournent vers Jésus, qu’ils ne connaissent que de réputation, et placent en lui tout ce qui leur reste de confiance. Lui évidemment va les accueillir tels qu’ils sont, mais il va surtout les acheminer à une foi neuve, sans commune mesure avec la foi dans le guérisseur qu’ils étaient venus solliciter initialement.
C’est ainsi qu’un retournement inattendu de la situation amène la femme à s’ouvrir en vérité à Jésus, qui maintenant la regarde et lui parle : « Ta foi t’a sauvée… sois guérie de ton mal. » Déjà, elle avait senti au contact du tissu, que sa maladie l’avait quittée ; avec la parole de Jésus, elle sait que sa guérison est définitive et même plus : qu’elle est sauvée ! Cette foi exemplaire aura-t-elle rassuré Jaïre qui assiste en silence à la scène, rempli d’angoisse pour une autre malade ? Nous ne le savons pas. Ce que nous savons, c’est que la mort de son enfant vient balayer dans sa maisonnée tout espoir de guérison. « Ne crains pas, crois seulement », lui intime alors Jésus, qui va manifester, par des gestes très simples, la puissance de vie qui l’habite en prenant la main de la jeune fille et en lui parlant : « Lève-toi ! »
Frères et sœurs, cet évangile trouvera probablement en nous des échos très contrastés, en fonction du point où chacun en est de sa vie. Que nous soyons malades ou en bonne santé, jeunes ou plus âgés, joyeux ou attristés, il nous redit cependant à tous, et je crois que nous avons besoin de l’entendre, que rien dans nos vies n’est insignifiant sous le regard de Dieu. N’attendons donc pas que notre foi déplace des montagnes pour nous approcher de lui. N’ayons pas peur d’aller et même de courir vers lui, tels que nous sommes, sans oublier cette part de nous-mêmes qui attend d’être guérie. Et offrons-lui notre confiance : là est la réponse la plus personnelle que nous puissions donner à ce beau désir de Dieu d’élargir sans cesse nos cœurs et de nous faire quitter les lieux étriqués où nous ne vivons qu’à moitié. Amen.
Références bibliques : Sg 1, 13-15 ; 2, 23-24 ; Ps. 29 ; 2Co 8, 7.9.13-15 ; Mc 5, 21-43
Référence des chants : Liste des chants de la messe à Bussy-Lettrée du 28 juin 2015