Les textes d’aujourd’hui respirent encore la nouveauté de Pâques. Un homme a osé affronter la mort en face, ce mur réputé infranchissable, et c’est la Vie qui a jailli. Le bélier qui a brisé toute résistance, c’est l’amour jusqu’au don de soi. J’aime ce dessin dans un livre pour enfant, où l’on voit une brèche dans un mur et la silhouette qui laisse entrevoir le ciel qui a la forme de Jésus.
Nos conversations quotidiennes ressassent les difficultés du monde actuel. Elles sont réelles. Mais la bonne nouvelle de Pâques nous invite à oser l’espérance. Il y a du neuf qui germe. Le tombeau de Jésus est ouvert sur l’avenir. Et Jean, dans l’Apocalypse, voit la Jérusalem nouvelle descendre d’auprès de Dieu.
Il nous arrive si souvent d’être pessimiste quant à notre Église. Mais voici qu’un vent de printemps semble souffler sur elle. Le pape François, davantage serviteur que souverain, a réjoui les cœurs des catholiques et même de ceux qui ne partagent pas notre foi. Un pape qui s’incline devant la foule et lui demande de prier le Seigneur, de le bénir, un pasteur qui parcourt les foules sans vitres de protection, un évêque de Rome à genou devant des jeunes prisonniers, leur lavant les pieds. Ne boudons pas notre joie !
« Comme je vous ai aimés »
Notre première lecture a la même tonalité d’espérance. Paul et Barnabé « leur racontait tout ce que Dieu avait fait avec eux ». L’Église était en pleine croissance. Ils n’étaient pourtant que quelques-uns autour de Jésus, la veille de sa mort, quand il leur annonçait que seul l’amour peut inventer l’avenir. Juste après le lavement des pieds et le départ de Judas, il leur dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Comme ! Il ne s’agit pas d’un petit exemple pédagogique. Le comme signifie puisque je vous ai aimés. C’est possible, puisque je l’ai fait. Mon amour vous devance et vous pouvez vous appuyer sur lui.
Cet amour est démesuré, il va jusqu’aux ennemis, il englobe même Judas. Jésus nous aurait invités à aimer un petit peu, de temps en temps, jusque-là, mais pas plus loin… il n’y aurait rien de neuf. Mais il invite à la démesure de l’amour. Quoi de plus fou que de pousser cette invitation jusqu’à l’amour des ennemis et au don de sa vie ?
« La seule mesure de l’amour est d’aimer sans mesure », disait saint Bernard. Cette démesure me convainc. La tiédeur n’attire personne. Jésus s’adresse au meilleur de moi-même. Sans doute n’arriverai-je jamais à aimer comme lui, mais il continue à m’y appeler et je peux m’appuyer sur lui.
Donner avant qu’on ne prenne
« Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne», disait Jésus. L’âge, la maladie, les accidents de la route, les autres aussi se chargeront de nous prendre la vie. Mais Jésus ne s’est pas contenté de se la laisser prendre, sans résister, comme un lâche. Il en a fait don. Le véritable amour consiste en effet à donner avant qu’on nous prenne.
Une fillette souffrait d’une maladie rare. Le médecin demanda au petit frère de cinq ans, qui avait survécu à la même maladie, s’il serait prêt à donner son sang pour elle. Après une hésitation, il répondit : « Oui, si c’est pour la sauver. » Au cours de la transfusion, il vit sa sœur reprendre des couleurs. Puis il pâlit : « Docteur, est-ce que je vais commencer à mourir tout de suite ? » Il avait cru qu’il devait donner tout son sang à sa sœur. Et il avait dit oui !
Et nos communautés ?
Après le tsunami du vendredi saint, les apôtres se sont essayés à mettre en pratique ce commandement nouveau. Cette poignée d’hommes a changé le monde. Il suffit de quelques-uns qui y croient. Après avoir regardé vers la coupole du Vatican, osons regarder vers nos communautés chrétiennes. Sommes-nous comme une parabole de fraternité en ce monde parfois si divisé, si dur, si peu humain ?
Si nous voulons rebâtir notre Église à la manière de saint François d’Assise, osons déjà la démesure de l’amour entre nous. Elle sera contagieuse ! Ceux qui nous côtoient pourront reconnaître en nous des disciples de ce Jésus…
Références bibliques : Ac 14, 21b-27 ; Ps 144 ; Ap 21, 1-5 ; Jn 13, 31-33a.34-35
Référence des chants :