« Toi, l’homme de Dieu, cherche à être juste et religieux, vis dans la foi et l’amour, la persévérance et la douceur ! » Voici une belle interpellation qui réconforte et encourage. Elle est de Paul à l’un de ses acolytes, un compagnon, Timothée. Mais dans la première lecture, l’interpellation était beaucoup plus rude et adressée à des personnes aussi concrètes que Timothée : les vautrés qui sont les chefs du peuple, ils devraient pourtant en être les modèles.
La Parole de Dieu nous mène ainsi, alternant les mises en garde et les appels à la conversion, les jugements sévères et les encouragements. On retient souvent les mots rugueux, on a parfois envie de se laisser bousculer par des paroles prophétiques et l’on croit que de les avoir entendues nous vaccine contre l’injustice qui transperce notre monde. Mais non : nous ne sommes pas si vite convertis par la Parole du Seigneur. Parfois nos convictions nous donnent bonne conscience, elles sont aussi un confort dans lequel nous nous croyons bien assurés.
Nous avons besoin, en réalité, d’être tour à tour mis en cause et mis en route ; interpellés, mais aussi dynamisés, encouragés et soutenus. Le Seigneur ne fait pas que de nous accuser. Oui, il nous provoque, mais surtout il désire nous faire grandir dans son amour. Il est si différent de nous, le tout Autre, que nous pourrions le trouver inaccessible et ses volontés irréalisables en nos vies ; mais il se montre aussi tellement humain et proche que nous pourrions nous habituer et ne plus prendre au sérieux ses appels.
Reprenons la prophétie d’Amos : la carrière prophétique, si j’ose dire, de cet homme a été bien brève. Quelques mois : il s’est senti appelé à rugir contre ceux qui profitent de la vie, sans voir qu’autour d’eux il n’y a que peine et misère. Ils croient que leur monde est durable, alors qu’ils se le sont appropriés au détriment des pauvres. Ils ne voient pas que le monde dont ils jouissent est fragile et qu’il faut le partager. Ce message est permanent. Son auteur ne l’a pas proclamé pendant longtemps : on l’a prié de partir ailleurs. Il se justifie en disant : moi, je n’y peux rien ; je dis ce que Dieu me fait voir. Rien de plus, j’ai rempli ma mission. Ma vie, elle-même, vaut moins que ce message de justice et d’appel à la conversion.
L’évangile du jour confirme ce destin du messager de la Parole de Dieu : Moïse, les prophètes et Jésus, même ressuscité, ne sont guère écoutés de ceux qui profitent de ce monde sans regarder la violence et l’injustice. Nous donc qui écoutons Jésus, écoutons-le vraiment. Ne soyons pas distraits ; ne soyons pas suffisants ; ne croyons pas que nous avons tout fait pour vivre comme il le demande. Pensons que nous n’avons pas encore été au bout de notre témoignage, laissons-nous enseigner par le Maître de la vie ; laissons-nous encourager sur le chemin. Exerçons-nous à professer notre foi. Comme Timothée, soyons capables d’une belle profession de foi devant de nombreux témoins. Nous ressemblerons à Jésus qui a donné, devant Pilate, le témoignage d’une si belle espérance.
Cette belle espérance, c’est bien sûr celle de la justice de Dieu qui veut que tous les hommes aient la vie et n’en soient pas exclus. Cette belle espérance, c’est celle de ceux qui se battent pour la paix dans un monde de violence ; c’est celle de ceux qui refusent les comportements mesquins, orgueilleux et dominateurs ; c’est celle de ceux qui accompagnent les pauvres et les petits pour qu’ils trouvent l’expression de leur dignité ; c’est celle de ceux qui montrent que cette vie n’est pas fermée sur la porte des satisfactions terrestres, mais qu’elle est ouverte sur la joyeuse assurance de la présence du Seigneur qui aime et accompagne tout homme. Nous voyons tant d’hommes et de femmes blessés et enfermés sur les déceptions d’une vie que nul amour ne comble.
C’est l’espérance de Marie, notre mère. Nous croyons qu’elle vient à la rencontre de nos familles, nous savons qu’elle est la consolation de beaucoup qui viennent la rencontrer ici et dans les sanctuaires qui lui sont dédiés. Mais aussi au secret des cœurs, elle est dans la prière de ceux qui lui confient leur famille, l’entente familiale, le travail de chacun, la fondation de nouvelles familles, la fidélité des époux et la naissance de vocations à servir le Christ et l’Église.
Et nous qui l’avons découvert, cet amour qui habite en nos cœurs, nous n’aurions pas le cœur à le faire découvrir ? Et à quoi servirait-il que nous soyons membres de l’Église, que nous soyons l’Église du Christ, son Corps, si nous n’étions pas voués à cela ? Qu’importe que nous ayons le sentiment d’être trop peu entendus ! De beaucoup de façons, le Seigneur travaille et parle en interpellant contre les violences, mais aussi en remuant les cœurs et en encourageant ceux qui sont sur la voie.
L’Église qui est à Lille n’est certes pas meilleure qu’une autre Église diocésaine, elle est soumise aux mêmes défis que les autres en ce temps. Elle se sait fragile, bien sûr ; et aucun de ses membres n’a la prétention d’être un modèle parfait de témoin vaillant. Mais elle vit un temps de grâce. Le diocèse de Lille fête le centenaire de sa création tout au long de cette année 2013, et l’a vécu dans de très belles et joyeuses fêtes, ainsi que dans une démarche de trois années consécutives. Ce diocèse, que j’ai la joie et l’honneur de servir, a saisi cette occasion de son centenaire pour redécouvrir la chance qu’il y a de vivre en ce temps, pour annoncer l’espérance que donne le Seigneur.
Se mettre au service des autres dans une société qui nécessite tellement d’attentions aux personnes qui souffrent, ce n’est pas une chasse gardée des chrétiens ; mais eux savent qu’ils reçoivent ce service de Jésus. Témoigner d’une espérance pour un monde qui s’enferme dans les mirages de la consommation et oublie les richesses de la relation, ce n’est pas un secret qu’ils garderaient pour eux, c’est une nécessité urgente où la force de l’Esprit saint les engage. Annoncer et vivre au quotidien la confiance dans la Parole de Dieu, Père, qui appelle sans cesse à la vie, voilà une tâche qui invite à se donner, pour imaginer et soutenir des communautés de témoins partout où des hommes vivent.
Aux diocésains de Lille, comme à tous ceux qui sont en communion avec nous par « Le Jour du Seigneur », que cela soit donné ! Toi, l’homme de Dieu, sois fidèle !
Références bibliques : Am 6, 1a.4-7 ; Ps 145 ; 1 Tm 6, 11-16 ; Lc 16, 19-31
Référence des chants : Liste des chants de la messe à Bailleul 29.09.2013