Ce que l’histoire ne dit pas, mais que moi, frères et sœurs, je vais vous raconter, c’est que les mages ont failli ne jamais arriver à Bethléem. Car, cette nuit-là, le Malin a fait un cauchemar, affreux : une foule immense, de toute nation, race, peuple et langue (Ap 7, 9), réunie dans une grande paix autour d’un petit enfant. « Mauvais présage ! » se dit-il au réveil. Et aussitôt, qu’il aperçoit la caravane des mages, il comprend que son règne de ténèbres touche à sa fin. Alors, il se déguise en Grand Mage :
« Holà, Messieurs, quelle hâte ! Où courez-vous de ce pas rapide. Y aurait-il donc du nouveau sous le soleil ou les étoiles ?
À coup sûr, Grand Mage, répond Melchior. Nous scrutions les astres pour y trouver la lumière de la Sagesse. Et voici que la Sagesse en personne est venue jusqu’à nous, « Lumière pour éclairer les nations » (Lc 2, 32).
Mon pauvre ami, ricane le Malin. Avoir tant étudié pour en arriver là ! Comme si la lumière pouvait tomber du ciel ! Mais c’est à toi et à toi seul de décider du sens de ta vie. Tu n’es pas un esclave pour qu’un autre, serait-il Dieu, vienne te dicter sa vérité.
Mais non, Grand Mage, reprit Melchior, car cette vérité est celle que j’attendais, celle qui me rend libre (Jn 8, 32), parce que Dieu me connaît mieux que je ne me connais moi-même. Il sait quel est pour moi le chemin de la vie.
Décidément, se dit le Malin, cet homme est un illuminé. Et se tournant vers Balthasar :
Alors, toi aussi, tu t’imagines que l’Absolu s’intéresse à nos petites personnes. Que Dieu a fait sa demeure parmi les hommes dans la chair d’un homme, et que c’est là, et là seulement, qu’on le rencontre désormais. Et les autres, alors, les bouddhistes, les musulmans, les agnostiques… Tu les exclus ? Allons, que diable. Dieu est Dieu : l’Absolu est au ciel. Sur terre, crois-moi, il n’y a que du relatif et toutes les religions se valent. Autant rester chez toi.
Au contraire, Grand Mage, si Dieu a librement choisi de venir vers nous par et dans cet homme, désormais nul ne peut aller vers Lui sans passer par ce Jésus (Jn 14, 6). Et c’est vers ce Jésus que l’Esprit saint, mystérieusement, attire tous les hommes, sans exclusion, qu’ils soient du Nord ou du Midi, de l’Orient ou de l’Occident. Nous en sommes la preuve.
Rien à tirer de ce fanatique, conclut le Malin, et, s’adressant au troisième :
Ne me dis pas, noble Gaspard, que te voilà disposé à « quitter ton pays, ta parenté et la maison de ton père » (Gn 12, 1), à renier ta culture, ta religion.
Mais, Grand Mage, je ne renie rien. Car celui que je vais adorer n’est pas venu pour abolir : il est venu pour accomplir (Mt 5, 17). « Le Christ n’enlève rien, il donne tout » (Benoît XVI). Tout ce qu’il y a de vrai, de juste et de bon dans l’immense diversité des sagesses et des cultures vient de Lui et à Lui doit faire retour. Nous lui portons donc en hommage les richesses des nations. Alors retire-toi, Satan. Nous sommes attendus.
Ainsi les Mages parvinrent à Bethléem. Là, l’enfant leur sourit :
Venez, les bénis de mon Père. Entrez dans l’unique bergerie de l’unique Pasteur. Vous n’êtes plus des brebis perdues. Vous êtes ici chez vous. En moi vous avez trouvé le Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14, 6). »
Références bibliques : Is 60, 1-6 ; Ps. 71 ; Ep 3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
Référence des chants :