Frères et sœurs,
Pourrons-nous nous départir un jour de ce désir d’être premier ? Il est si ancré en nous ! Depuis les cours de nos écoles ; nos concours et examens ; dans nos entreprises, la politique, les jeux olympiques : d’où vient cette course à la médaille d’or ?
Et quand nous la manquons : que de larmes, que de colère, que de jalousie !
Ne nous faisons pas d’illusions, il en va de même dans nos communautés chrétiennes, nos paroisses et dans l’Église : la compétition là aussi fait rage, et la comparaison va bon train !
Cette église elle-même porte les traces de ces divisions entre catholiques et protestants qui se sont disputés, puis se sont divisé cet édifice. Si aujourd’hui les relations sont paisibles, ce voisinage avec nos frères séparés nous rappelle combien l’histoire de l’Église n’est pas exemptes de déchirures et de blessures.
N’y a-t-il pas là véritable scandale ? Ne devrions-nous pas, comme chrétiens, être emplis de cette « Sagesse qui vient d’en haut » dont parle Saint Jacques dans son épître : « d’abord pure, puis pacifique, bienveillante, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie ».
« A ceci, -disait Jésus après le lavement des pieds- tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. ».
Chers frères et sœurs, nous sommes bien loin du compte, n’est-ce pas ?
Les disciples d’ailleurs ne s’y trompent pas ! Ils ont honte de leur discussion pour savoir qui est le plus grand parmi eux !
A vous tous, chers amis ; fidèles de cette paroisse et vous chers frères et sœurs téléspectateurs ; vous qui avez rencontré dans votre vie chrétienne des situations pénibles de jalousie, de rivalité. Vous qui, parfois, avez un moment pour cela quitté l’Église, ou de guerre lasse, changé de paroisse : je ne sais pas si cela vous rassure, mais ces situations -si contradictoires avec l’Esprit de l’Évangile- existaient déjà dans la communauté à laquelle Saint Jacques s’adresse ! Et pire, au sein même du groupe des disciples !
Depuis 2000 ans, l’Église n’en a pas fini avec ces situations si désagréables et scandaleuses !
Pour autant frères et sœurs, il y a ici un paradoxe : oui, ce désir d’être premier est malgré tout, un « bon signe » pour deux raisons !
Tout d’abord chers amis, c’est un bon signe car l’Église est faite de nous ! Elle n’est pas seulement constituée d’anges !
C’est bien pour nous sauver, nous qui sommes si imparfaits, que le Christ a institué l’Église ! Nous y sommes, avec ce que nous sommes : nos contradictions et nos aspirations parmi lesquelles ce reproché désir d’être le premier ou le plus grand…
Rien n’est pire image de l’Église quand nous fantasmons à son sujet une « communauté de purs ». C’était la prétention des Cathares ! Cette erreur est terrible et fait bien des dégâts. Combien sont ceux qui n’osent pas entrer dans l’Église parce qu’ils se sentent trop imparfaits, pas assez bon… Et pourtant, Jésus n’a cessé d’affirmer qu’il n’était pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs !
Nous sommes pécheurs, nous sommes dans l’Église… notre place n’est pas ailleurs !
Ensuite, Jésus fait-il un reproche à ses disciples ? Relisons attentivement l’Évangile : pas de trace de réprimande ! Non ! Au contraire : le Seigneur souligne chez ses apôtres une énergie qui a toute sa place dans la vie chrétienne ! « Si quelqu’un veut être le premier »…
Si quelqu’un veut être le premier, il ne faudra pas qu’il soit mou ou paresseux. C’est une très bonne chose de vouloir quelque chose avec résolution et énergie !
N’est-ce pas ce que vous voulez frères et sœurs ? Être les premiers dans le Royaume, les premiers dans le cœur de Dieu ! C’était le désir de la petite Thérèse et de bien des saints à la suite du Christ !
Prions Dieu afin qu’il affermisse en nous donne cette audace de poursuivre jusqu’au bout notre soif d’être premier !
Mais nous savons le prix de cette ambition… Jésus annonce pour lui-même ce que sera ce chemin : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. »
Et nous à sa suite, dans l’Église, mais aussi dans la vie, pour être premier, ne devons-nous pas nous faire « le dernier et tous et le serviteur de tous » ?
C’est la grande révolution chrétienne, si difficile à comprendre pour le monde et pourtant seule issue : mourir à nous-mêmes pour ressusciter à l’éternelle vie
Amen !