Dans le climat actuel, toujours confinés chez nous, nous éprouvons un sentiment diffus : l’obscurité semble dominer plus que la clarté. Et de nombreuses incertitudes nous inquiètent. En méditant cet évangile, m’est revenu un souvenir peut-être partagé par plusieurs d’entre vous.
Lorsque j’étais enfant, j’avais le souci de ne pas être seul dans la nuit. Pour m’endormir après une lecture et une prière, je demandais à un de mes parents de laisser apparaître dans l’obscurité de la chambre au moins un rayon de lumière émanant d’une lampe posée au loin dans le couloir.
Désir de calmer la peur du noir !
Cela ne rendait pas la nuit beaucoup plus lumineuse, mais au moins éprouvais-je la sécurité de voir cette veilleuse et de croire que l’obscurité ambiante ne durerait pas, que le jour viendrait poindre au terme de mon sommeil. Cette veilleuse préfigurait la réapparition du soleil.
L’inquiétude de l’enfant peut demeurer celle de l’adulte ! Quand l’environnement est bien sombre, il est besoin d’être éclairé par des rayons de lumière, par la parole du Christ même.
Mais aujourd’hui sa parabole peut effrayer aussi : elle annonce la venue par surprise du Maître et la possible défaillance de celui qui se serait endormi ! L’hôte est de marque. L’importance de l’événement à venir demande d’être particulièrement attentif et disponible : « Veillez donc ! ». Jésus appelle ses disciples à la vigilance, à être constamment prêt afin d’accueillir celui qui vient à nous, notre Maître.
« La personne vigilante, nous dit le pape François, est celle qui accueille l’invitation à veiller, c’est-à-dire à ne pas se laisser accabler par le sommeil du découragement, du manque d’espérance, de la déception ; et, dans le même temps, qui repousse la sollicitation des nombreuses vanités dont le monde déborde ». (Pape François, Angélus 3 décembre 2017)
En ce temps de 2e vague épidémique, sous le poids de la fatigue, du fatalisme, de l’inactivité, nous pouvons nous assoupir, nous laisser aller, tomber dans le désespoir, voire la dépression.
Si nous éprouvons la solitude ou qu’il ne nous est pas possible d’échanger, de pratiquer notre foi en communauté, de la nourrir ou de la vivre par l’exercice du partage, si nous ressentons une profonde fatigue physique et spirituelle, à défaut de vivre notre foi de manière habituelle, prenons le temps de contempler et découvrir la Vierge Marie, comme un beau modèle de vigilance afin de nous relever.
Elle a été la mère qui a gardé en elle et autour d’elle cette lumière, cette aptitude à veiller et demeurer prête. Elle l’a dit à sa première rencontre avec l’ange : « qu’il me soit fait selon ta parole ».
Et ce fiat n’a jamais été démenti.
Comme pour toutes les mères, l’attente fut celle d’une grossesse, temps d’espérance avant la naissance, temps des possibles mais aussi des incertitudes. Se confiant toute entière à Dieu après l’annonce de l’ange Gabriel, Marie a cheminé non sans porter en elle le fruit de la vie et de l’amour.
Et on imagine combien le Seigneur lui a donné de voir apparaître le signe de sa présence : par l’étoile dans la nuit à Bethléem, par le sourire de l’enfant, par ses paroles qu’elle gardait dans son cœur.
Ensuite, depuis les premiers temps de la mission de Jésus lors des noces de Cana durant lesquelles elle dira aux serviteurs “Faites tout ce qu’il vous dira”, jusqu’au pied de la Croix où elle se tiendra présente, elle nous communique toute sa foi vigilante.
J’ose même imaginer Marie, mère de Jésus, à l’égal de nos mères, venant apaiser la possible inquiétude de son enfant dans la nuit noire de leur maison à Nazareth. Elle n’avait pas de lampe à tenir allumer de façon prolongée car l’huile était précieuse, mais elle trouva sans doute les mots qui calment, en demeurant à côté de son fils. Elle veillait auprès de lui et le fit sa vie durant.
Désormais c’est de nous, dont elle prend soin et dont elle porte les prières auprès de son Fils.
Bernanos met dans la bouche du curé de Torcy : « Oui, pour bien prier la Vierge Marie, il faut sentir sur soi ce regard qui n’est pas tout à fait celui de l’indulgence … mais de la tendre compassion » (Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne). Nous dirions même de la consolation…
La Bonne Mère que nous aurions dû prier aujourd’hui en célébrant à Notre-Dame de la Garde à Marseille, Marie, notre Mère, demeure pour nous une présence rassurante et surtout elle se tient à nos côtés. Elle nous aide à demeurer des veilleurs, à rester éveillés même !
Alors redécouvrons le sens d’un geste simple. Au début de notre célébration nous avons allumé la première des bougies de notre couronne d’Avent. Peut-être l’avez-vous fait chez vous ou votre curé, pour vous, dans votre église paroissiale, peut-être allumerez-vous un cierge devant une statue ou une icône de Marie, un lumignon dans votre espace de prière personnel ou familial. Cette lumière aussi faible soit-elle, vient éclairer notre nuit.
Qu’elle manifeste donc notre vigilance dans la prière, notre désir de demeurer prêt, notre espérance que l’obscurité ne domine ni notre cœur, ni notre esprit, ni notre vie.
Que cette flamme apparemment fragile vienne raviver notre foi, qu’elle éclaire notre nuit et celle de nos frères et sœurs sur le chemin qui nous mène au Christ.
Veillons et prions comme Marie !