Est-ce à cause de son style souvent fougueux que l’imagerie traditionnelle a attribué, à Marc, le lion comme animal emblématique ? Toujours est-il que c’est presque par un rugissement que débute son livre : " Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus, Christ, Fils de Dieu ". Dix mots et pas de verbe, pour faire entendre l’essentiel à qui veut bien l’entendre !
" Commencement. " Une ère nouvelle est inaugurée ! Depuis bien longtemps le peuple attendait que vienne cette heure, l’heure de la libération de tous les esclavages, de toutes les déportations comme celle connue à Babylone au temps du prophète Isaïe, l’heure de la fin des dominations étrangères. Or voilà que tout ce qui a été vécu souvent dans la douleur, trouve son débouché, heureux.
Car c’est bien d’une " Bonne Nouvelle " qu’il s’agit. Il y a lieu de se réjouir. Le temps du sang et des larmes, le temps de la solitude et du malheur, le voilà destiné à disparaître, à céder la place à un autre temps !
Mais quelle est-elle cette Bonne Nouvelle ? Dans l’Evangile de Matthieu, la Bonne Nouvelle est évoquée à travers les signes du Règne de Dieu qui s’installe au milieu des hommes : " Les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent, la libération est annoncée aux pauvres ! " (Matthieu XI, 5). Avec ce commencement du livre de Marc, la Bonne Nouvelle est présentée sans détour : c’est Jésus lui-même, cet homme surgi dans l’histoire humaine et qui a droit au titre de " Christ " c’est à dire de " Messie ", de personnage ayant reçu l’onction royale, l’onction divine.
Tout l’Evangile de Marc ensuite le développe. Mais dès les premiers mots tout est dit, ou presque : la Bonne Nouvelle, c’est une nouvelle présence. Et le commencement du livre n’est pas tellement à prendre comme le commencement d’un récit : c’est le commencement d’une nouvelle histoire pour les hommes, celle de Dieu avec eux, au milieu d’eux ! Autrement dit : ce commencement, c’est le nôtre ! C’est le commencement de notre aventure. Le commencement de notre découverte de Jésus, le Christ.
Plus jamais, désormais, l’homme ne devra se sentir seul ! Plus jamais, désormais, l’homme ne devra se croire abandonné de son Dieu ! Plus jamais il ne devra croire à l’absence de Dieu au fond de son malheur. Le temps de la Consolation est bien arrivé !
Ce Messie libérateur et consolateur, voici des siècles que les prophètes l’annonçaient. Mais il y en aura un pour lui ouvrir la route quand l’heure de sa manifestation aura sonné : Jean le Baptiseur, fils de Zacharie et petit cousin de Jésus. Il est habillé comme le prophète Elie ; Il vit dans le désert, aux frontières de la Judée, et il appelle les gens de Jérusalem et de toute la Judée à un Baptême, une " lustration " de conversion. " Je suis le Chemin ", dira plus tard Jésus. Mais pour accéder à cette route, il est nécessaire à l’homme d’apprendre à " remarcher droit ", à retrouver une certaine rectitude dans le pas. Pour accéder à la route royale, les cheminements humains doivent être redressés ! Celui qui se révélera comme le Verbe a eu besoin d’être précédé d’une Voix qui appelait à la conversion des hommes aux démarches tortueuses !
Jean est au désert, car il n’y a que le désert qui puisse être une terre sainte, seul lieu vierge de ces richesses et de ces tentations qui éloignent de l’essentiel. Dans la Bible, le désert est, certes, le lieu de la mise à l’épreuve, mais c’est d’abord le lieu de la tendresse de Dieu, là où Il se donne à connaître. C’est également le lieu des commencements ou des recommencements . " Je vais la séduire, la conduire au désert, et parler à son coeur ", entend-on dire Dieu dans le livre d’Osée (II, 16) à propos de son peuple dépeint comme une fiancée infidèle.
Les gens de Jérusalem et de Judée vont nombreux à la rencontre de Jean, au bord du Jourdain. Car ils sentent bien qu’ils ont besoin de se purifier, besoin de mettre un terme à tout ce qui les éloigne de leur propre vérité. Ils viennent chercher auprès de lui, non pas des admonestations, mais le signe que de nouveaux départs dans leur existence sont possibles. Ils viennent se laisser dire que l’essentiel, pour eux comme pour nous, est encore à venir. Qu’ils ne sont pas achevés, mais en voie d’accomplissement, et que pour repartir, dès lors qu’ils sont englués dans bien des esclavages, eh bien il leur faut se retremper dans des eaux purifiantes !
Nous sommes ces gens de Judée. Nous aussi nous sommes habités de plein d’insatisfactions. Le monde dans lequel nous vivons nous paraît quelquefois comme un monde aux étendues bien plus désolées que celle des déserts. Il nous apparaît que les hommes de ce temps manquent de repères, que notre société, particulièrement, ne parvient plus à proposer du sens aux nouvelles générations. Nous cherchons alors les signes d’une renaissance possible. Nous sommes à l’affût de signes d’espérance. Nos oreilles se tendent pour essayer d’entendre les voix de messagers venant nous annoncer de bonnes nouvelles…
Mais ces signes, pouvons nous les percevoir si nous ne nous y sommes pas préparés ? Ces voix, pouvons-nous les entendre si nous ne nous mettons pas, d’abord, à l’écart de tous les bruits qui n’ont rien à nous dire ? " Préparez les chemins du Seigneur ! crie la voix. Rendez droits ses sentiers ! " Aujourd’hui dans nos vies, comme hier dans la vie des gens de Judée, le Messie ne peut s’accueillir sans préparation. Il ne peut venir habiter que chez des hommes qui acceptent d’entrer dans une voie de conversion. Autrement, il ne viendrait que cautionner nos égarements. Il nous laisserait dans les prisons de notre péché.
" Commencement ! " " Bonne Nouvelle ! " Oui ! C’est pour nous le moment de re-vivre. Il vient, celui qui est la plénitude de la vie ! Il arrive celui qui nous baptise de l’Esprit, c’est à dire de l’intérieur de nous-mêmes ! Il s’approche celui qui nous dit que nous ne vivons pas en vain, non pour la seule fin de mourir, mais que nous sommes faits pour la vie éternelle avec lui !
Références bibliques :
Référence des chants :