Gustavo Gutiérrez

Par Julia Itel – Publié le 01/08/2023

Gustavo Gutiérrez est un théologien péruvien et prêtre dominicain considéré comme le « père » de la théologie de la libération.

Qui est Gustavo Gutiérrez ?

Gustavo Gutiérrez est né le 8 juin 1928 à Lima au Pérou. Il grandit dans une famille modeste qui lui donne le goût de la lecture. De Kant à Karl Jaspers, sa découverte de la psychologie et de la philosophie le pousse à entamer des études de médecine pour devenir psychiatre. Mais à 24 ans, rattrapé par son désir de devenir prêtre (présent depuis l'enfance), il arrête la médecine pour étudier d’abord la psychologie et la philosophie à l'université catholique de Louvain, puis la théologie à l'université catholique de Lyon. 

Ordonné prêtre en 1959, il rejoint après ses études la paroisse de Rimac, un quartier pauvre de Lima. En parallèle de son travail pastoral auprès des populations démunies, il enseigne à l'université pontificale au Pérou ainsi que dans plusieurs autres universités nord-américaines et européennes. 

Le père de la théologie de la libération

L'Amérique latine post-Vatican II

Pour comprendre l'émergence de la théologie de la libération chez Gutiérrez, il convient de clarifier le contexte historique dans lequel elle a pris place. Entre 1962 et 1965 s'est tenu le concile Vatican II (auquel participe Gustavo Guttiérez lors de la dernière séance), qui tente d'ouvrir l'Église catholique au monde moderne par l'entreprise du dialogue et, notamment, entre les Églises européennes, « centrales », et celles du reste du monde, « périphériques ». 

À voir « Cuba, une église dans la Révolution »

En 1968 a lieu la seconde Conférence des évêques à Medellin en Colombie, où sont discutées les conclusions de Vatican II alors mises en relation avec les préoccupations sociales et politiques de la région qui interrogent, chez les acteurs religieux, la foi chrétienne. En effet, dans les années 1960-1970, de nombreux pays d'Amérique latine connaissent, d'un côté, des régimes souvent soutenus par des militaires et entravant l'accès aux droits fondamentaux de la personne, et de l'autre, la formation de guérillas menaçant le pouvoir établi et provoquant une forte instabilité. De plus, donc point de vue structurel, cette région du monde vit dans ces années d'importants changements en termes d'industrialisation et d'urbanisation qui créent un écart abyssal entre les populations les plus riches et les plus pauvres. Accentuée par la guerre froide, la naissance d'un prolétariat latino-américain fait émerger une conscience de classe, ainsi que de nombreux mouvements sociaux dont la théologie de la libération fait partie. C'est donc dans ce contexte que naît chez Gustavo Gutiérrez l'idée d'une nécessaire transformation de la structure sociale afin de rétablir la dignité humaine. 

Une théologie de la libération

En 1971, Gustavo Gutiérrez publie son ouvrage majeur Une théologie de la libération : Histoire, politique et salut, rapidement traduit en une vingtaine de langues et dans lequel il développe une nouvelle spiritualité basée sur la solidarité avec les pauvres. Après avoir fait l'état des lieux de la situation en Amérique latine, marquée par la pauvreté, l'inégalité et l'injustice sociale, le théologien appelle l'Église à se ranger du côté des opprimés. Le thème central de la théologie de la libération est « l'option préférentielle pour les pauvres » : Dieu se préoccupant tout particulièrement des pauvres, l’Église devrait donc veiller à les libérer de leurs conditions afin de leur rendre leur dignité d'êtres humains, un aspect crucial du salut. Ancrée dans une praxis, où spiritualité et action sociale sont imbriquées, Gustavo Gutiérrez appelle les chrétiens à lire et relire la Bible afin d'y trouver la force et l'inspiration de sortir du désert que représente le système d'injustice dont ils sont victimes. 

La théologie de la libération a rencontré un certain retentissement auprès de nombreux théologiens, intellectuels les militants sociaux qui soutiennent et poursuivent son travail. Elle a également suscité de vives oppositions, notamment d'une frange de l'Église réticente à l'orientation ouvertement marxiste de sa pensée. 

Succès planétaire

Tout en continuant à écrire et à enseigner sur la théologie de la libération, Gustavo Gutiérrez s'est impliqué dans les domaines de l'éducation et de la défense des droits de l'homme. Sa renommée internationale en tant que théologien et défenseur des pauvres l’a conduit à recevoir de nombreux diplômes et prix honorifiques, comme la Légion d'honneur française en 1993 et un doctorat honoris causa de l’Université de Fribourg en 1998. 

Aujourd'hui, il vit au couvent des dominicains de Lima et poursuit toujours son œuvre. Il est l'auteur de plusieurs autres livres, tels Réinventer le visage de l'Église (1972), Essai pour une théologie de la libération (1972), La force historique des pauvres (1986), Le Dieu de la Vie (1986), Job, parler de Dieu à partir de la souffrance des innocents (1987) et Dieu ou l'or des Indes Occidentales (1992).

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