Par Julia Itel – Publié le 15/05/2023
Grégoire le Grand (540-604) est le dernier des Pères de l’Église latins. Souvent considéré comme le pape par excellence, il est reconnu comme Docteur de l'Église.
Rome au VIe siècle : une période chaotique
Grégoire naît en 540, à une époque très agitée politiquement. En effet, le siècle précédent a vu se précipiter la chute de Rome, à la suite des invasions barbares. Après avoir dominé le monde, Rome sombre dans l’anarchie. Au moment de la naissance de Grégoire, la cité est occupée par les Byzantins puis elle est ensuite reprise par les Barbares, par les Goths et, enfin, par Narsès, le général de l’empereur. L’organisation sociale de l’Empire romain d’Occident ne tient plus : l’armée est quasi-inexistante, le système judiciaire ne fonctionne plus, il en va de même pour de nombreuses installations publiques comme les aqueducs, les marchés, etc.
Face à ce déclin, seule l’Église semble s’élever et tenir bon. Au VIe siècle, le christianisme s’est étendu et commence à se développer en centres organisés dans les grandes villes de l’Empire, telles que Rome, Constantinople, Antioche, Alexandrie et Jérusalem. Ces centres d’influence sont ainsi dirigés localement par des évêques et l’Église est présidée, au niveau universel, par la figure du pape qui ne va cesser, avec Grégoire le Grand, de gagner en autorité.
Qui est Grégoire le Grand ?
Jeunesse
Grégoire naît donc en 540 dans une famille romaine d’ascendance noble et influente. Son père, Giordanus, est sénateur et chargé de s’occuper de l’une des sept régions de Rome. La famille possède également plusieurs domaines en Italie et en Sicile et veille à donner au jeune Grégoire une bonne éducation.
L’appel à la vie religieuse
Grégoire devient ensuite préfet de Rome en 573. Mais l’année suivant sa prise de fonctions, il renonce à sa carrière administrative pour la vie religieuse. Il lègue ainsi ses biens aux démunis et se retire au monastère qu’il vient de fonder dans son propre palais familial, au mont Caelio.
À voir « Monastères : moines, fiancés du Christ »
Pour voir cette vidéo pour devez activer Javascript et éventuellement utiliser un navigateur web qui supporte la balise video HTML5
En 579, il est ordonné diacre par le pape Pélage II. Puis, le souverain pontife l’envoie à Constantinople en qualité de nonce (diplomate pontifical) dans le but d’obtenir de l’aide de l’empereur Tibère II pour contrer l’avancée des Lombards à Rome. Grégoire y reste six ans sans réussir la mission qui lui a été confiée. Il a, cependant, eu l’occasion de développer des relations importantes, comme le patriarche de Constantinople Eutychius.
Grégoire le Grand : le dernier des Pères latins
Grégoire Ier est élu pape
De retour à Rome, en 589, une inondation du Tibre provoque une grave épidémie de peste. Le pape Pélage II succombe à la maladie un an plus tard et Grégoire lui succède comme nouvel évêque de Rome (supposément élu par acclamation).
Le pontificat de Grégoire Ier (590-604) est marqué par le renforcement de l’autorité centrale du pape ainsi que son expansion dans le monde chrétien. Il veille donc à affirmer la primauté romaine. Selon la tradition, il est considéré comme le pape par excellence (après saint Pierre) – ce que son iconographie témoigne en le représentant toujours vêtu de ses habits pontificaux, ce qui souligne le pouvoir temporel et spirituel de l’évêque de Rome.
Grégoire Ier a, pour cela, engagé de nombreuses réformes dans la structure administrative de l’Église. Il a d’abord affirmé son autorité – comme évêque de Rome – sur les autres évêques et territoires. Il a également réorganisé les finances de l’Église en accentuant son autonomie, notamment par l’administration de son patrimoine (les futurs États pontificaux) qui lui assure des revenus à la fois pour l’entretien de l’Église mais aussi pour les œuvres de charité.
Diplomate de formation, Grégoire a également veillé à pacifier les tensions qui subsistaient avec les Lombards et a ainsi pu négocier plusieurs traités pour protéger Rome d’autres invasions.
L’évangélisation de l’Angleterre
Un autre élément marquant de son pontificat est l’évangélisation des païens d’Angleterre. En 596, Grégoire le Grand envoie en mission Augustin, un prieur du monastère de Caelio devenu « monastère de Saint-André » et futur évêque de Cantorbery, et 40 moines pour évangéliser ce territoire encore largement païen.
Découvrez qui était Augustin de Cantorbery
Pour voir cette vidéo pour devez activer Javascript et éventuellement utiliser un navigateur web qui supporte la balise video HTML5
La politique missionnaire de Grégoire détonne et participe de sa grandeur et renommée future : plutôt qu’imposer aux païens la religion chrétienne, il préconise plutôt l’adaptation, comme sa lettre à un missionnaire en témoigne : « Les temples abritant les idoles dudit pays ne seront pas détruits ; seules les idoles se trouvant à l’intérieur le seront. Prends de l’eau bénite et asperges-en les sanctuaires, construis des autels et places-y des reliques. » Ainsi, les temples païens ne sont pas détruits mais transformés en églises ; les fêtes païennes ne sont pas dissoutes mais remaniées en fêtes chrétiennes, etc.
Le théologien
Grégoire le Grand est aussi un écrivain et un érudit prolifique. Il est d’abord l’auteur d’une correspondance importante (plus de 800 lettres) avec les grands de ce monde, qui témoigne de son activité influente de pape. Mais son œuvre littéraire est essentiellement pastorale et exerce une influence considérable sur la pensée et la spiritualité médiévales. Il est, en effet, l’un des saints les plus lus entre le IXe et le XIIe siècles.
Parmi les plus importantes, on trouve les Dialogues, un recueil d'hagiographies (vie et miracles de saints), qui est, par ailleurs, l’unique source dont on dispose sur la vie de Benoît de Nursie, le fondateur de l’ordre monastique bénédictin.
Ses œuvres comprennent également des traités théologiques et des commentaires de la Bible, comme les Moralia in Job (Commentaires moraux sur le livre de Job) écrits vers 595 et qui représentent son plus grand ouvrage exégétique ; les Homélies sur Ézéchiel (autour de 593-594), destinées aux moines ; les Homélies sur les évangiles, témoignant de son activité pastorale ; et la Règle pastorale, utilisée au Moyen Âge pour la formation du clergé.
Grégoire le Grand a-t-il inventé le chant grégorien ?
Parmi les réformes entamées lors de son pontificat, on compte également une réorganisation sur le plan liturgique de l’Église, rapportée dans le Livre des sacrements, et qui se matérialise par un réagencement du répertoire des chants utilisés à la messe.
On a donc attribué, à tort, l’introduction du chant « grégorien » à Grégoire le Grand. En réalité, le chant grégorien est apparu au VIIIe siècle dans le royaume franc de Pépin le Bref. En effet, ce dernier adopte la liturgie romaine et la fusion entre les chants romain et gallican donne naissance au chant grégorien. C'est enfin sous Charlemagne qu’il se diffuse dans la chrétienté à travers les monastères qui fleurissent un peu partout sur le territoire.
Pour aller plus loin, découvrez « Enquête sur le chant grégorien »
Pour voir cette vidéo pour devez activer Javascript et éventuellement utiliser un navigateur web qui supporte la balise video HTML5
Grégoire le Grand, Docteur de l’Église
Le pontificat de Grégoire le Grand a laissé un impact durable sur l'Église et la papauté. Il est souvent considéré comme l'un des plus grands papes et est reconnu comme Docteur de l'Église par le pape Boniface VIII pour ses contributions théologiques. Dans l’art, Grégoire le Grand est d’ailleurs souvent représenté avec un livre, en train d’écrire, et accompagné d’une colombe, symbolisant l’Esprit Saint. Ces deux attributs dépeignent le pontife comme un défenseur de l’orthodoxie qui a à cœur de transmettre et diffuser le Verbe de Dieu par l’action pastorale et par l’évangélisation.
À sa mort en 604, il est canonisé directement par acclamation. Il est enfin le saint patron des musiciens, des chanteurs, des étudiants et des enseignants.