Par Julia Itel – Publié le 27/09/2023
Saint François d'Assise (1181/2-1226) est un religieux italien connu pour avoir fondé l’Ordre des Frères Mineurs (aussi appelés « franciscains »), reposant sur une vie de pauvreté radicale et sur la prédication de l’Évangile. Sa vie de dévotion, marquée par les stigmates qu'il a reçus, en fait l'une des figures les plus vénérées du christianisme. C'est en son hommage que le pape François a choisi son nom de pontificat.
Qui est François d’Assise ?
Le fils d’un riche marchand
François naît entre 1181 et 1182 à Assise, une petite ville d’Ombrie. Son père, Pietro di Bernardone, est un marchand aisé d’étoffes. Au moment de sa naissance, son père se trouve en France pour y faire commerce. Appelé « Jean » par sa mère, il est aussitôt renommé « François » (Francesco) par son père, ce qui signifie « le Français ».
Envoyé quelques temps à l’école, où il reçoit une instruction religieuse, il entre ensuite dans l’échoppe de son père afin d’apprendre le métier de commerçant. Mais le jeune François montre peu de dispositions à l’égard du négoce. Il préfère sortir et profiter des plaisirs de la vie qu’offrent les rues d’Assise. Nourri de l’idéal chevaleresque qui traverse les romans d’aventure de l’époque, il aspire à s’élever socialement et adopte les vertus de la courtoisie et de la libéralité qui appartiennent à l’aristocratie.
On sait peu de choses de la jeunesse de François d’Assise, hormis qu’il a – dans ses mots – vécu « dans les péchés ». Dépensant sans compter, il n’hésite pourtant pas à donner aussi aux pauvres, comme le font également les nobles qu’il fréquente. En 1202, François participe à la bataille de Collestrada qui oppose les homines populi, la classe montante issue de la bourgeoisie commerçante, et les boni homines, descendants de la noblesse féodale, venus de Pérouse. Assise, malheureusement, en sort défaite et François est fait prisonnier. Retenu dans un cachot dont il ne sort que grâce à l’intervention pécuniaire de son père, il contracte une maladie qui l’immobilise presque un an.
La conversion
En 1205, dans l’espoir d’être fait chevalier, François choisit de rejoindre la troupe de Gautier de Brienne en Pouille qui, à la demande du pape Innocent III, part combattre les partisans de l’empereur Frédéric II. La veille de son départ, il rêve (relaté dans la Légende des trois compagnons) qu’il se trouve dans un palais empli d’armes et d’écus étincelants appartenant à un chevalier. Lorsqu’il demande à qui sont ces trésors, une voix lui répond : « Ces armes sont pour toi et tes compagnons ». Engaillardi, il croit que l’attend fortune et gloire. Mais sur le chemin, il tombe malade à Spolète et une deuxième vision vient contrarier ses plans. Il entend alors une voix lui dire : « Qui peut faire plus de bien, le maître ou le serviteur ? – Le maître. – Alors pourquoi vas-tu chercher le serviteur, non le maître ? – Ah ! Seigneur, que veux-tu donc que je fasse ? – Retourne chez toi ; et là tu apprendras ce qu’il convient que tu fasses. La vision que tu as eue en songe, tu dois l’interpréter de façon entièrement nouvelle. » Il comprend alors que les princes et le pape ne sont que les serviteurs d’un seul maître : Dieu. Il rentre alors à Assise.
Là, il retrouve sa vie d’avant. Pourtant, il n’est déjà plus le même. Plus pieux, il multiplie les aumônes aux pauvres et se plonge de longues heures dans la prière et la méditation. Cette période, marquée par la prise de conscience inconfortable de mener une vie facile mais dépourvue de sens, fait douter François de l’orientation à prendre pour son existence. En quittant le négoce pour la vie religieuse, il craint de s’attirer les moqueries de son entourage.
Deux événements vont pourtant pousser François à faire un choix. Le premier est celui de la rencontre avec un lépreux. Dans son Testament, il écrit : « Le Seigneur me donna ainsi à moi de commencer à faire pénitence : lorsque j’étais dans les péchés, il me semblait extrêmement amer de voir des lépreux. Et le Seigneur me conduisit parmi eux et je leur fis miséricorde. Et m’en allant de chez eux, ce qui me semblait amer fut changé pour moi en douceur de l’âme et du corps ; et après cela, je ne restai que peu de temps et je sortis du monde. » Les lépreux sont, à l’époque, méprisés et séparés du monde, par peur de contagiosité. Mais venu à leur rencontre, touché par leur condition, François se sent traverser par une sensibilité nouvelle qui éclot à son époque dans certains mouvements religieux laïcs : celle de la miséricorde pour les pauvres, les pèlerins, les malades, les prisonniers (et plus seulement pour les pécheurs). D’après l’historien André Vauchez, « cette nouvelle sensibilité à la souffrance et à la déchéance d’autrui lui a permis de reconnaître dans les lépreux la forme sensible et la présence du Christ parmi les hommes. Pénitence, paix et miséricorde allaient devenir les maîtres mots de la prédication franciscaine et inspirer des conduites concrètes à travers lesquelles les hommes pourraient racheter leurs fautes. […] en « faisant miséricorde » aux lépreux, il a rendu possible leur réintégration dans la société humaine, contribuant ainsi à étendre l’idée de justice aux rapports humains et sociaux sans pour autant lui donner l’aspect d’une revendication agressive qui l’aurait rendue inacceptable par l’Église et la société de son temps. »*
Rupture avec son père et vie de pénitence
Le deuxième événement qui va mener François d’Assise vers une conversion intérieure et de vie est la vision du Christ s’adressant à lui, alors qu’il se trouve dans la petite église de Saint-Damien en prière devant un crucifix. Là, il entend : « François, ne vois-tu pas comme ma maison tombe en ruines ? Va donc et répare-la moi ! » Le jeune homme prend ces paroles à la lettre et commence à restaurer l’édifice. Mais pour cela, il lui faut de l’argent. Il cherche ainsi à revendre des étoffes appartenant à son père. Celui-ci, furieux, traîne son fils devant le tribunal afin de le déshériter. Mais les consuls se révèlent incompétents et Pietro amènent son fils chez l’évêque Guido Ier. Cette scène, rendue célèbre par la peinture de Giotto à la basilique supérieure d’Assise, est importante dans la vie de François. Se mettant sous la protection de l’évêque d’Assise, il se dépouille alors de ses vêtements et rompt avec l’autorité familiale : « Écoutez tous et comprenez ! Jusqu’ici, c’est Pierre de Bernardone que j’ai appelé mon père, mais, puisque j’ai décidé de servir Dieu, je lui rends cet argent au sujet duquel il se tourmente tant et tous ces vêtements que je tiens de lui. Dorénavant, je veux dire : Notre Père qui es aux cieux, et non plus : mon père, Pierre de Bernardone. » Il choisit un autre père, plus grand que tout autre : Dieu. Pour couvrir sa nudité, l’évêque place sur les épaules de François un manteau. Il lui assigne ainsi sa nouvelle identité de religieux.
François, qui ne souhaite entrer dans aucun ordre monastique, vit pendant deux ans comme un ermite itinérant et se consacre à la restauration d’églises. En février 1208, dans l’église de la Portioncule, il entend lire le passage de l’Évangile relatant l’envoi en mission des apôtres par le Christ, pieds nus et sans argent (Mt 10, 7-10). Il comprend soudainement sa mission : « Voilà ce que je veux, voilà ce que je cherche, ce que, du plus profond de mon cœur, je brûle d’accomplir. »
À voir « François d’Assise : le choix de la pauvreté »
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Fondation de l’Ordre des Franciscains
François, qu’on surnomme le « Pauvre d’Assise » (le Poverello), choisit la pauvreté radicale, telle qu’elle a été vécue par les apôtres. Vêtu d’un habit simple ceint par une corde, il part annoncer la Parole de Dieu et prêcher la pénitence. François est doté d’un fort charisme et son prêche, prononcé en langue vulgaire et promouvant la conversion à la vie évangélique, lui assure un certain succès auprès des foules : « Frères bien-aimés, Dieu dans sa miséricorde nous a choisis non seulement pour notre salut mais aussi pour sauver beaucoup d’âmes. Allons à travers le monde et, par notre exemple plus encore que par nos paroles, exhortons les hommes à faire pénitence pour leurs péchés et à garder le souvenir des commandements divins. »
Rapidement, il est rejoint par des clercs et laïcs qui viennent former autour de lui une petite communauté de « frères ». L’Évangile se vit, selon François, au quotidien pour tous. Elle est un guide de vie pratique qui peut mener au salut. À chacun, dès lors, de s’y soumettre. Les « pénitents d’Assise » sillonne l’Italie pour évangéliser les villes et villages. Leur vie d’itinérance leur empêche ainsi l’accès aux biens et propriétés. La fraternité, constituée de riches et de pauvres, d’instruits et d’illettrés, offre une nouveauté sans pareille, proche de l’idéal évangélique : se trouver sur un pied d’égalité, unis par le désir de suivre les pas de Jésus-Christ.
Mais le groupe prend de l’importance et on presse François de définir une règle pour sa communauté. Il présente au pape Innocent III à Rome en 1209 un texte succinct approuvé par le pontife oralement. De retour à Assise, il obtient la concession d’une petite église, Sainte-Marie-des-Anges (ou de la Portioncule). La fraternité qui prend le nom des « frères mineurs » (petits, humbles), renoue avec la prédication itinérante. François accueille personnellement tous les nouveaux venus, tout en continuant de se faire appeler « frère ». Leur message touche une jeune aristocrate, Claire, qui s’enfuit de sa famille et prend refuge auprès de François en 1212 comme nouvelle pénitente. Rejointe par d’autres femmes, elle prend la tête quelques années plus tard de la communauté de Saint-Damien, renommée les « Pauvres dames recluses » (et plus tard, les clarisses).
Convaincu de la portée universelle de leur mission, plusieurs groupes de frères sont envoyés à partir de 1217 hors d’Italie, en Europe, ce qui ne se passe pas toujours très bien car les itinérants sont souvent vus comme des hérétiques. François, lui-même, a des envies d’ailleurs. Il rêve de partir en France mais le cardinal Hugolin le rappelle à ses obligations, sa communauté étant encore trop fragile pour se passer de lui. Il part pourtant, en 1219, en Orient et tente de convaincre, sans succès, le sultan Al-Kâmil de se convertir au christianisme. Rentré à Assise en 1220, François est contraint de mettre de l’ordre dans sa communauté puis décide de quitter sa direction en raison de son expansion rapide exigeant de trouver des solutions structurelles et institutionnelles dont il ne se sent pas d’assumer la charge.
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En 1221, il s’attelle à la rédaction d’une règle, devenue obligatoire depuis le canon 13 du concile de Latran IV pour tous les ordres nouveaux. Après une première tentative rejetée par le pape, un second texte appelé regula bullata est accepté en novembre 1223. Définissant l’idéal franciscain fondé sur une vie de simplicité, d’humilité, d’obéissance et de service, cette règle rappelle également à quel point les hommes sont dépendants les uns des autres et comme il est important de construire une relation de confiance et de respect entre chacun. L’historien André Vauchez ajoute : « le projet de François qui était de faire vivre au sein du monde une société sans argent et sans biens, où prévaudrait une « économie de la pauvreté » caractérisée par la gratuité et la redistribution à des personnes démunies de tout ce qui n’était pas strictement indispensable à la survie de la communauté. À la base de ce genre de vie se situaient en priorité le travail et accessoirement la mendicité […] La contrepartie de la pauvreté, l’assurance contre l’angoisse du quotidien et les incertitudes des lendemains, c’était la vie dans la fraternité. Les frères mineurs ne devaient pas se sentir abandonnés ou livrés à eux-mêmes, dans la mesure même où ils pouvaient compter totalement les uns sur les autres. »
Mort et canonisation
Les années qui suivent sont marquées, pour François, par la maladie et le retrait. En septembre 1224, il reçoit les stigmates, c'est-à-dire les cinq plaies du Christ. Sentant la mort approcher, il rédige son Testament en 1226. En retraçant son parcours spirituel, il rappelle aux frères l’idéal qui l’a tant animé et qu’il leur implore de respecter. Il meurt dans la nuit du 3 au 4 octobre 1226 à l’église de la Portioncule.
Il est canonisé par le pape Grégoire IX (l’ancien cardinal Hugolin) en 1228. Est construite également peu de temps après la basilique d’Assise où sont transférés ses restes.
Saint François d’Assise, patron des écologistes ?
François d'Assise a été proclamé saint patron des animaux et des cultivateurs de l’écologie (par Jean Paul II en 1979) en raison du respect profond qu’il ressent pour la création de Dieu. Il considère toutes les créatures, qu'elles soient humaines, animales ou même les éléments naturels comme le soleil et la lune, comme des manifestations de la bonté divine et le reflet de sa puissance. Selon François, la création est une fraternité universelle où chacun a sa place, donnée par Dieu, et ses responsabilités. Ainsi, comme avec ses frères humains, l’homme doit chercher à établir une relation harmonieuse et fraternelle avec les autres créatures.
Plusieurs épisodes de la vie de François d’Assise sont généralement cités. Le premier est celui du loup de Gubbio qui, grâce à l’intervention de François qui le place sur un plan d’égalité avec les villageois, devient doux et paisible. On lui prête également une relation particulière avec les oiseaux, comme lors de sa prédication aux oiseaux où il leur demande de louer Dieu pour leur beauté et leur existence. Enfin, dans son Cantique de frère Soleil ou Louanges des créatures, il exprime son profond respect pour Dieu, le Créateur, avec qui il entretient une relation sensible, presque sensorielle.
Jean-Marie Pelt, écologiste sous influence (de François d’Assise)
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*André Vauchez, François d’Assise. Entre histoire et mémoire, Pluriel, 2009.