Après 3 années de restauration, l’orgue de Notre-Dame va renaître lors de la réouverture de la cathédrale au printemps. À Pâques, découvrez le documentaire Le souffle de Notre-Dame, de Julien Leloup, qui narre l’incroyable aventure de la renaissance de cet orgue, instrument monumental et fragile. Entretien avec le réalisateur.
Notre-Dame de Paris : un nouveau souffle pour l'orgue
Avec l’orgue de Saint-Eustache, l'orgue de Notre-Dame est l’un des plus grands de France. En quoi est-ce un instrument si différent ?
C’est l’orgue recordman de France en nombre de jeux et de tuyaux ! Plus de 8 000 ! Et c’est un agrégat de plusieurs époques de la facture d’orgue française, du XVe au XXIe siècle. La structure sonore actuelle est celle d’Aristide Cavaillé-Coll, célèbre facteur d’orgue du XIXe, engagé par Viollet-le-Duc pour agrandir l’instrument. À Notre-Dame de Paris, Cavaillé-Coll s’est servi du matériel préexistant, notamment des tuyaux de métal et de bois, qu’il a adapté pour lui donner une unité d’ensemble. Il a gardé le travail de ses prédécesseurs et en a fait sa synthèse. C’est à partir de cette reconstruction que vont se succéder à la tribune des organistes et compositeurs prestigieux qui, voyageant à travers le monde, vont suggérer des nouveautés. Aussi, ces strates d’histoire musicale conservée dans l’orgue permettent de jouer toutes les époques de musique : de la période ancienne à la période contemporaine.
Si l’orgue de Notre-Dame de Paris a été épargné dans l’incendie, de quoi a-t-il souffert ? Quels ont été les soins et traitements nécessaires ?
L’orgue n’a souffert ni du feu ni de l’eau. En revanche, il a été envahi par de la poussière de plomb qui s’est déposée à l’intérieur des tuyaux, dans tous les recoins de l’instrument ainsi que dans certaines matières poreuses tels que le cuir des soufflets ou dans les parties en bois non vernies. Hormis le plomb qui supposait des contraintes de travail strictes, les facteurs d’orgues étaient très inquiets que l’instrument soit pratiquement à l’air libre à cause du trou béant à la croisée du transept. Exposé à des fortes différences de température et d’hygrométrie, certaines pièces comme le bois et le cuir peuvent « travailler » et se détériorer. Pour conserver les parties sensibles de l’instrument, les décontaminer, l’orgue a été démonté en urgence et restauré dans trois ateliers du sud de la France. Les facteurs en ont profité pour agir sur certaines pièces centrales de l’instrument, comme les sommiers, désormais accessibles. C’est l’un des points forts de cette restauration : remettre à neuf les parties usées et corriger en profondeur tous les défauts constatés au fil des années.
Quels ont été les défis de la restauration de l'orgue ?
Pour les artisans, il fallait restaurer un instrument de cette taille, décontaminer au plomb avec des protocoles stricts, travailler au sein d’une cathédrale elle-même en chantier. Quant à l’historien que je suis, j’ai été marqué par le travail d’indexation des pièces de l’instrument. Avec cette autopsie, les facteurs d’orgues ont tout recensé, tout mesuré, ont essayé d’établir l’origine de fabrication de tout ce qui compose l’instrument. Ce travail minutieux d’archive fait qu’on pourrait faire des copies, reproduire à l’identique l’orgue le plus connu du monde !
Propos recueillis par Marie-Aude Lenain