La Bible est peuplée de multiples animaux. Du serpent à l'agneau, ce bestiaire hétéroclite constitue une faune riche en symboles.
Dans la Bible, les animaux sont nombreux. La plupart sont bien connus, mais quelques-uns restent difficiles à identifier. Pour prendre un exemple célèbre, la « Lilith » que mentionne Isaïe (31, 14) est-elle un oiseau de nuit ou une espèce de démone redoutable ? D’autre part, certains animaux bien connus et « attendus » sont absents de la Bible : le chat, si courant en Egypte, n’apparaît pas dans nos textes — à l’exception, peut-être, de la Lettre de Jérémie (verset 21) qui n’existe qu’en grec.
En tout cas, les animaux ne constituent pas simplement une sorte d’arrière-fond sympathique et coloré. Sauvages ou domestiqués, ils partagent avec les humains le statut de créatures et, en tant que tels, ils manifestent à leurs manières quelque chose de la profusion du créé, et ils renvoient au Créateur. Le prophète Amos affirme que Dieu rugit comme un lion (Amos 3, 8). Quant au Christ, il est d’emblée présenté par Jean-Baptiste comme l’Agneau de Dieu (Jean 1, 36). Pour évoquer la complexité des communautés humaines, on se réfère parfois aux sociétés animales. Le prophète Isaïe (59, 5 et 11) nous dit ainsi que, dans le monde violent de son époque, certains de ses concitoyens font éclore des œufs de vipère et tissent des toiles d’araignées, tandis que d’autres grondent comme des ours ou gémissent comme des colombes. Le livre des Proverbes (6, 6-8) prend la fourmilière comme un modèle social : « Va vers la fourmi, paresseux, considère ses mœurs et deviens sage. »
On voit donc que nos textes méditent sur le monde animal et en tirent toute une symbolique riche de sens variés. Le début de l’Évangile de Jean, je l’ai dit, présente le Christ comme l’Agneau de Dieu ; l’Apocalypse, un livre attribué à Jean, renchérit en faisant de ce terme d’« Agneau » un des noms privilégiés donné au Christ. Il est même appelé « Agneau debout, égorgé », juste après avoir été nommé « le Lion de la tribu de Juda » (Apocalypse 5, 5-6) ! Notre Agneau-Lion conjugue ainsi des aspects habituellement opposés : la fragilité de l’agneau, jeune, plein de promesses, mais aussi offert tout entier (à Pâques, on tue et mange l’agneau), et puis la force et la vaillance du lion, un animal présenté, depuis la Genèse (49, 9), comme le symbole de la tribu de Juda, celle-là même où est né le roi David, puis Jésus « fils de David ». Dans l’Apocalypse, si le lion, puissant et protecteur, désigne le Christ, d’autres allusions à cet animal s’appliquent à des êtres terrifiants et destructeurs. On évoque ainsi des sauterelles dévastatrices qui ont « comme des cheveux de femmes et leurs dents étaient comme celles des lions » (9, 8). La symbolique animale n’est donc jamais univoque.
Venons à des textes enracinés dans le terroir d’Israël. Il y aurait de belles études à mener concernant les ânes, ânesses, mules et mulets, ces montures courantes dans les contrées rocailleuses d’Israël, dont la Bible parle souvent. Prenons un exemple. Absalom, un des fils du roi David, a fait un coup d’état : il veut détrôner son père, voire le tuer, et prendre sa place comme roi. Dans le dernier combat qu’il mène contre l’armée de David, Absalom circule sur un mulet ; la monture passe sous un arbre touffu, le cavalier est retenu par les branches basses et ne peut s’en dépêtrer, tandis que le mulet, allégé, continue son chemin. Le général de l’armée de David va sur les lieux et transperce Absalom de trois épieux (2 Samuel 18, 9-15). Du mulet, on n’entend plus parler. Mais, quand on se reporte au livre suivant, le premier Livre des Rois, qui commence peu après le texte que nous venons d’évoquer, on retrouve David âgé, à Jérusalem ; il doit désigner qui, parmi ses fils, lui succèdera et c’est Salomon qu’il choisit officiellement. Il demande alors que Salomon soit installé sur sa mule et descende à la fontaine de Guihon où il recevra l’onction royale. Du mulet qui s’est comme « débarrassé » d’Absalom à la mule qui porte le « vrai » roi à venir, on a l’impression d’une continuité : l’un a disqualifié le mauvais candidat, l’autre a porté le juste héritier à son avènement.
Un des premiers animaux qui retient l’attention dans la Bible est le serpent (Genèse 3). On sait qu’il entraîne Adam et Eve à prendre un certain fruit, dans le jardin où ils résident, sans en aviser le Seigneur, pourtant tout proche. On pourrait conclure que le serpent est un animal désormais haïssable ; il n’en est rien. Dans le livre des Nombres, les serpents mordent les Israélites quand ils sont au désert ; Dieu demande alors à Moïse de fondre une effigie de serpent en bronze et de la placer sur une hampe. Ceux qui seront mordus, regarderons ce serpent de bronze et seront guéris (Nombres 21, 4-9). Le Christ rappelle par trois fois cet épisode dans l’Évangile de Jean (notamment en Jean 3, 14) et annonce ainsi mystérieusement sa crucifixion : il sera élevé de terre sur le poteau de la croix et tous ceux qui le regarderont avec foi seront sauvés.
Pour Jésus, l’envoi de ses disciples ne peut se dire qu’en référence aux animaux : « Voici que moi je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc intelligents comme des serpents et épurés comme les colombes » (Matthieu 10, 16).
Fr. Philippe Lefebvre o. p.
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