Sujet peu traité dans les médias, la fin de vie fait l’objet d’un documentaire œcuménique très émouvant. L’amour aura le dernier mot, co-produit par Le Jour du Seigneur et Présence Protestante, sera diffusé le 27 août. Une véritable immersion dans l’unité de soins palliatifs de Marlonges, en Charente-Maritime. Interview du réalisateur Grégoire Gosset.


Le Jour du Seigneur. - Le film L’amour aura le dernier mot aborde la fin de vie, sujet peu très traité dans les médias. Pouvez-vous nous raconter la genèse du projet ?
Grégoire Gosset. - Je réalise des documentaires depuis 30 ans et j’ai toujours refusé de traiter cette thématique car elle me faisait peur. En tant qu’indépendant, je collabore depuis 20 ans avec le CFRT et j’ai accepté ce film car je savais que j’aurai une grande liberté de réalisation. J’allais pouvoir respecter leur pudeur, ne pas être intrusif. C’était une condition sine qua non pour moi. Et puis, c’est une bonne chose d’affronter ses peurs. On se sent mieux après !

Nous pénétrons dans l’unité de soins palliatifs à Marlonges, en Charente-Maritime. Cette unité ne ressemble pas à l’idée qu’on se fait de ce genre de lieu. Ici, on découvre un dialogue permanent soignant-patient, des contacts tactiles, de la douceur, des rires… On se croirait dans une maternité !
C’est vrai ! Le personnel soignant s’occupe des patients comme des enfants. Cette unité est à taille humaine. Elle dispose d’une petite équipe médicale et d’une dizaine de lits. Tous les aides-soignantes, infirmières et médecins y sont par choix. Il faut être volontaire pour faire ce métier. Toute l’équipe a cette vocation du soin de l’autre et le sens du service public. Ce sont des gens qui sont profondément humains ! Si la mort reste taboue, la société française, paradoxalement, accorde beaucoup plus de budget aux soins palliatifs qu’aux autres services de l’hôpital public. Les soignants peuvent donc prendre le temps de s’asseoir sur le lit du patient, d’échanger, de prendre la main…

allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/lzegu5rS5HE" title="YouTube video player" width="560">

On peut y voir un hommage au personnel soignant ?
En effet ! J’ai réalisé plusieurs documentaires en milieu hospitalier et j’ai un grand respect pour le personnel soignant. Ils font un métier fatigant et ont beaucoup de mérite. C’était important de les mettre en avant. Ce n’est pas obligatoire de travailler avec le sourire mais ces soignants le donnent spontanément ! C’est incroyable !

Marie de Hennezel, dans son livre La mort intime, décrit l’aspect essentiel du toucher, de la présence, de l’écoute dans l’accompagnement apaisé des patients. Le documentaire en est une véritable illustration. Au-delà des soins médicaux, les soins palliatifs ont donc une mission sacrée ?
Le premier objectif des soins palliatifs est de calmer la douleur. Si dans d’autres unités hospitalières on vous assomme de morphine, ici, le dosage est sur-mesure. Dans 90-95% des cas, la douleur est apaisée, avec de grandes plages de conscience chez le patient. Aussi, une fois le corps apaisé, l’apaisement de l’âme intervient. Les patients retrouvent de la sérénité. Vient alors le temps du discours, de l’échange, de la transmission et de l’amour. Donc, la mission des soins palliatifs est de supprimer la douleur pour permettre à la vie de reprendre ses droits et faire revivre l’âme. Les patients peuvent se projeter, retrouver de l’espoir et dire au revoir aux proches dans des conditions apaisées.
 

Pour voir cette vidéo pour devez activer Javascript et éventuellement utiliser un navigateur web qui supporte la balise video HTML5

La foi de Marie de Hennezel en la vie
On rencontre Denis, médecin d’une grande humanité. Il y a une scène forte où on le voit jouer de la guitare pour un patient. En quoi est-ce qu’il vous a marqué ?
C’est un médecin modeste et pragmatique. Une vraie rencontre ! Il n’élude aucune question. Il est très rare qu’un médecin regarde dans les yeux et vous parle de la mort. Il vous dit la vérité en face et ça, c’est incroyable ! Il ne se cache pas derrière sa blouse. Il répond aux questions et les provoque, même ! Au-delà du soin médical, cela apporte un soin spirituel.

La souffrance, la maladie, la proximité avec la mort nous rapproche pour bon nombre d’entre nous vers une forme de spiritualité, une quête de sens. La question du royaume de Dieu s’invite-t-elle chez tous ?
En fin de vie, la question de l’après se pose évidemment. La question de Dieu s’invite chez les croyants comme chez les non-croyants. Ceux qui ont accepté leur fin proche sont complètement libérés. Il n’y a plus de tabou et donc, pas de perte de temps dans les échanges. Ils vont à l’essentiel même si certains n’ont pas de parcours de foi. Ils se demandent tous s’il n’y a pas quelque chose après. Certains croyants demandent parfois à être confessés auprès des aumôniers. Mais ils ne les appellent pas forcément pour ça. Des interrogations profondes deviennent des sujets centraux. Pardonner à mon frère, appeler mon fils à qui je n’ai pas parlé depuis vingt ans… Des valeurs chrétiennes comme le pardon, l’amour, la compassion, ressurgissent au moment de l’essentiel. Lorsque l’on a accepté que la mort était proche, la vérité ressort. Quant aux aides-soignantes et infirmières, elles ne sont pas forcément croyantes mais les valeurs qu’elles portent au quotidien sont des valeurs d’humanité, tout simplement !

L’offre de soins palliatifs est un enjeu majeur de notre santé publique en France. Ce film est-il une façon de sensibiliser les pouvoirs publics et le grand public ?
Aura lieu début septembre un débat public autour du suicide assisté. C’est un sujet peu traité dans les médias et qui fait peur. J’ai fait ce film non pas pour prendre position mais pour faire comprendre que les soins palliatifs, ce n’est pas un mouroir ! Contrairement à cette idée reçue, les patients ne sont pas euthanasiés au bout de 48h ! C’est un endroit où il peut encore y avoir de la vie. Une fois soulagé, c’est le début d’autre chose. C’est le message fort du film !

Quel a été le parti pris dans la réalisation pour restituer l’émotion ?
Le documentaire est sans voix-off. L’idée est que chacun se fasse son commentaire dans sa tête. C’est une expérience plus immersive, en huis-clos.

Comment en êtes-vous venu à la réalisation ?
J’ai débuté comme photographe et j’ai toujours voulu affronter mes peurs. Je suis allé dans les endroits les plus pauvres du monde, dans des zones de conflit… Je me suis ainsi rendu compte que même dans les endroits les plus difficiles, on peut trouver quelque chose de beau grâce aux gens. En effet, j’ai rencontré des personnes lumineuses, des personnes qui, avec rien, réussissent à transformer l’horreur en quelque chose d’émouvant. Et c’est ça, mon moteur !

Un conseil à des jeunes qui débuteraient dans le métier ?
Pour bien faire ce métier, ne jamais accepter de trahir les gens qui acceptent d’être filmés et qui vous ont fait confiance. Tu me fais confiance, je te respecte, c’est donnant-donnant !

Propos recueillis par Marie-Aude Lenain

Un documentaire co-produit par Le Jour du Seigneur, Présence Protestante et Aligal et France Télévisions.


Découvrez le documentaire Les enfants de Saint-Jean. Un combat à livrer réalisé par Grégoire Gosset pour Le Jour du Seigneur
 

Pour voir cette vidéo pour devez activer Javascript et éventuellement utiliser un navigateur web qui supporte la balise video HTML5