Avec le film Henri Didon, l'esprit olympique, la réalisatrice Florence Gaillard revient sur l’histoire de la devise olympique. Lumière sur cette figure méconnue dont le portrait sera diffusé dans la collection documentaire du Jour du Seigneur "Corps et âmes", le 7 juillet.

Un documentaire sur Henri Didon, inventeur de la devise olympique

Comment avez-vous eu l’idée de ce documentaire ?
La devise « Plus vite, plus haut, plus fort » a été inventée par le père Didon. Peu le savent. L’objectif de ce documentaire est de raconter la manière dont elle est née et dans quel contexte, à l’occasion des Jeux de Paris 2024. Comme je suis passionnée par l’histoire et que j’avais déjà réalisé des formats plus courts pour le CFRT, nous avons décidé de travailler ensemble sur ce projet.

Comment avez-vous abordé le travail ?
Le sujet parait simple mais en fait les circonstances historiques sont très particulières. À cette époque, Pierre de Coubertin voulait restaurer les Jeux olympiques. Mais dans le contexte impérialiste, capitaliste et machiste de la fin du XIXe siècle, ces Jeux ne pouvaient alors s’adresser qu’aux hommes de milieux aisés. Impossible d’imaginer que les femmes pouvaient pratiquer des activités sportives pouvant nuire à la maternité. Ce climat bien différent d’aujourd’hui explique en grande partie pourquoi Pierre de Coubertin, le père des Jeux modernes, n’est pas vraiment mis en avant pour ces Jeux de Paris 2024. Ses propos dérangent. Et le défi du montage consistait à réussir à expliquer la naissance de la devise dans ce contexte singulier. 

« Plus vite, plus haut, plus fort »

Justement, comment est née cette devise ?
Le père Didon, dominicain, prend le poste de prieur de l’école privée catholique Albert-Le-Grand à Arcueil en 1890. Il voit dans le sport un moyen de dépassement de soi et d'excellence pour la jeunesse qui lui est confiée. Il l’impose comme une pratique importante pour l’éducation et défend la compétition dans le contexte de l’émergence du capitalisme. Pierre de Coubertin demande au père Didon si ses élèves peuvent participer à une compétition d’athlétisme avec des élèves d’écoles publiques, espérant ainsi démontrer les bienfaits de ces rencontres sportives entre jeunes gens. Le père Didon accepte et afin de motiver ses élèves, il invente cette formule latine : « Citius, Altius, Fortius », traduite en français par « Plus vite, plus haut, plus fort », en 1891. Dans la foulée, Pierre de Coubertin fait adopter cette devise lors du premier congrès à la Sorbonne en 1894. Et lors des premiers Jeux olympiques modernes en 1896 à Athènes, le père Didon est présent avec des élèves d’Arcueil et célèbre une messe. 

Comment illustrer cette devise en image ?
Nous avons tourné des images à l’Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) dans le bois de Vincennes à Paris où les équipes olympiques françaises s’entrainent. L’endroit est vraiment beau et on sent que la qualité des infrastructures porte ces athlètes. Puis, nous avons tourné près de Lyon dans un établissement dominicain qui s’inscrit dans la filiation du père Henri-Dominique Lacordaire (1802-1861) qui avait lui-même inspiré Henri Didon. L’école continue d’éduquer les jeunes avec un grand souci des activités sportives et culturelles pour que les élèves développent leur personnalité par-delà l’instruction.

Avez-vous rencontré des difficultés ?
Une des difficultés est que l’école d’Arcueil où exerçait le père Didon n’existe plus. Elle a été revendue et les infrastructures sportives de l’époque n’existent plus. Autrement cet aspect technique, nous n’avons pas eu de réelles difficultés. Yvon Tranvouez, auteur d’une biographie sur le père Didon (Le Cerf, 2024), nous a permis d’aborder son parcours et Laurence Munoz, historienne du sport, complète les informations historiques avec une approche plus contextuelle autour de sa figure et de celle de Pierre de Coubertin.

Les deux hommes ont fini leur vie de manière controversée, ce qui les rend difficiles à mettre en avant pour les Jeux de Paris ?
Oui exactement. Didon a fini sa vie étiqueté « anti-dreyfusard » car il avait défendu l’armée dans l’affaire Dreyfus. Et Pierre de Coubertin était présent aux Jeux controversés de Berlin en 1936. Leurs attitudes leur sont aujourd’hui reprochées et empêchent de leur rendre l’hommage qu’ils méritent d’avoir initié les Jeux olympiques modernes et cette devise, encore utilisée aujourd’hui. Même si certaines attitudes sont désagréables, les Jeux olympiques leur doivent tout. Il ne faut pas l’oublier.

Propos recueillis par Laure Salamon


En 2021, le CIO décide de faire évoluer la devise. Le mot "ensemble" est ajouté à "Plus vite, plus haut, plus fort" après un tiret. " La devise en latin devient ainsi "Citius, Altius, Fortius – Communiter" et en anglais “Faster, Higher, Stronger – Together”.

 

« Plus vite, plus haut, plus fort » : qui se cache derrière la devise olympique ? Une conférence lundi 17 juin à 19h30, au Collège des Bernardins (Paris Ve), en partenariat avec Le Jour du Seigneur